Gale Burns : « Trouver l’humain », transmettre son histoire

Gale Burns, poète et enseignant d’écriture créative à la Kingston University de Londres animait le dernier séminaire de la formation de formateurs de l’EACWP avant les ateliers en demi groupes de l’après-midi.

Transmettre son histoire aux autres nous aide t-il à nous délester d’un poids ou à nous réapproprier la mémoire qu’on en a ?

L’autobiographie soulève bien des questions relatives à la transmission, notamment celle de la place qu’on occupe dans sa vie par rapport aux autres à un instant T. C’est pourquoi Gale Burns dans son approche de l’autobiographie a décidé pour son séminaire de commencer par un exercice pratique, nous plongeant directement au cœur du processus de la construction d’un possible récit de vie, en vue de l’écrire, peut-être.

 

Le programme annoncé de Gale Burns est le suivant: Qu’est-ce que les êtres humains apportent d’eux-mêmes dans leur écriture ?

  • Qu’est-ce qu’un être humain apprend ?
  • Le rôle de l’écoute et de l’attention
  • Ecrire sur soi
  • Ecrire sur les autres
  • Ecrire « à partir du réel »
  • Une chance d’écrire

Raconter son histoire en 10 minutes à une personne

Dans un processus proche de l’analyse, nous sommes conviés à raconter notre histoire en 10 minutes (en nous isolant du groupe) à notre voisin. Nous entendrons ensuite la sienne, sans l’interrompre de même que nous n’avons pas été interrompu ni n’avons fait de commentaire sur son histoire. La règle d’or établie dès le début est la suivante : le secret absolu sur ce qui vient de nous être dit.

Après ces 10 minutes intenses, chacun est un peu chamboulé mais a compris une chose : comment écoutons-nous l’autre ? L’écoutons-nous vraiment ou distraitement, déjà occupé par avance à interpréter ce qu’il vient de nous dire, à lui venir en aide ou à simplement « être là » et juste entendre son histoire, lui permettant de l’élaborer et de la rendre plus réelle ?

Raconter son histoire en 20 minutes à une autre personne

Nous sommes cette fois amenés à raconter notre histoire, toujours sous le sceau du secret à une autre personne, mais de notre âge, choisie par l’enseignant. S‘élabore alors un récit différent, peut-être aussi en fonction de la personne qu’on a devant soi, et qui est sensiblement du même âge donc.

Trouver 5 mots qui définissent notre identité

Revenus dans la salle de classe, il est temps maintenant de passer à des exercices qui nous guiderons pour poser les bases d’une possible définition de nous-mêmes à l’instant où nous nous donnons l’espace d’y réfléchir.

Nous inscrivons 5 mots. L’exercice suivant consistera à choisir un mot parmi les 5 à partir duquel développer un portrait court en 5 lignes.

Room with a view – Moulin d’Andé

Gale Burns et l’autobiographie

Si j’ai décidé de commencer cet article restituant l’atelier qu’a animé Gale Burns, plutôt que d’en donner des références plus théoriques, c’est qu’il nous plonge au cœur du processus de création de la restitution biographique ou autobiographique, posant comme jalon la sincérité et l’authenticité pour parvenir à transmettre quelque chose d’important, de singulier ou de vital.

On ne se lance pas dans une autobiographie facilement. Cela fait souvent l’objet d’une relecture en fin de vie, ou, si l’autobiographie est entreprise en milieu de vie, il s’agit souvent davantage de récit d’expérience du travail ou de transmission d’expérience, ou encore des prémisses d’une fictionnalisation de celle-ci par le biais d’un roman. Il n’est pas inutile, dans ce cas, de passer par ce type de techniques d’écoute, afin d’avoir accès à des informations en soi, inaccessibles jusqu’alors.

Par des exercices simples, Gale Burns nous fait entrer dans sa pratique en expérimentant d’emblée notre capacité de confiance en l’autre (disponible en chacun de nous pourvu qu’elle soit sollicitée). Cette capacité d’écoute bienveillante permet de poser un autre regard sur sa propre histoire, et d’introduire déjà un choix de piste de récit parmi celles, multiples, qui s’offrent à nous.

Nous relier à notre propre humanité

Ce que m’a personnellement appris cet atelier, c’est que notre mémoire est infiniment mobilisable pour en faire le récit en fonction des personnes à qui l’on parle ou selon ses préoccupations du moment. Mais plus marquant est l’incroyable pouvoir de la parole partagée dans ce cadre secret entre deux personnes, qui nous éveille à une forme de neutralité envers l’autre, particulièrement apaisante. Car c’est ainsi : nous sommes des humains, et nous ne nous sentons humains qu’au contact de la vérité d’autres humains.

Danièle Pétrès

 

Gale Burns est  poète en résidence au Sydenham Arts Festival et à la Kingston University où il enseigne l’écriture créative. Il a publié 3 recueils de poésies. Son travail a été traduit en français (Sorbonne Literary Magazine), roumain, slovène et arabe. Il est le Vice-President de l’European Association of Creative Writing Programmes et travaille aussi en tant que conseiller-thérapeute à l’UK National Health Service.