Portrait d’animateur : Hélène Massip

Photo Hélène Massip
Photo Hélène Massip

Auteur de nouvelles, de poèmes et de haïkus, Hélène Massip a travaillé en médiathèque et anime des ateliers d’écriture à Lyon. Elle est publiée dans les revues Verso, Les Cahiers de Poésie-Rencontres, Gong, l’Echo de l’étroit chemin. Elle a participé à des recueils collectifs aux éditions La passe du vent (2004) et Pippa (2014). Nous l’avons rencontrée à l’occasion de sa dernière parution, un recueil de poèmes : L’affiloir des silences, publié aux éditions Jacques André Editeur, collection Poésie XXI, 2016.

Propos recueillis par Marie Hélène Mas.

L’Inventoire : Comment êtes-vous devenue animatrice d’atelier d’écriture ? 

Hélène Massip : Mes premiers ateliers d’écriture ont été pour des personnes en reconversion professionnelle que j’accompagnais pendant quatre à six mois. L’écriture créative, la prise de parole en public, des techniques corporelles venaient compléter les démarches d’orientation et de recherche d’emploi. Il s’agissait avant tout d’expression, de prise de confiance, d’exploration par chacun de ses potentiels de communication, de levée de blocages par rapport à l’écrit.

J’ai participé plusieurs années aux ateliers d’écriture littéraire animés par les auteurs invités à la médiathèque de Bron, qui ont enrichi ma pratique d’écriture et d’animation : Hubert Haddad, Leslie Kaplan, Régine Detambel, Philippe Renard, Olivier Targowla, Lionel Bourg, Joël Vernet, Mohamed el Amraoui, Abdelatif Laâbi, Dane Cuypers, Julia Billet, Tatiana Arfel, Patrick Laupin.
Poètes, romanciers, chacun m’a fait écrire tout en me transmettant un peu de son rapport personnel à la langue et à l’écriture.

J’ai aussi suivi les ateliers réguliers et plusieurs stages avec Aleph-Ecriture. J’ai exploré des champs nouveaux, expérimenté des genres comme la nouvelle, la nouvelle noire, l’écriture autobiographique. Surtout, j’ai appris à retravailler mes premiers jets, à repérer dans les textes d’auteurs des techniques, des clés de fabrication que l’on peut mettre au service de sa propre écriture.

J’ai donc participé à de nombreux ateliers d’écriture avant d’en animer moi-même.

L’Inventoire : Avez-vous suivi une formation qui vous a amenée à conduire des ateliers d’écriture ?

Hélène Massip : J’ai suivi le cursus des formations de formateur dispensées par Aleph-Ecriture. J’ai rejoint l’équipe des animateurs d’Aleph-Lyon en 2013.

helene_massip_illustL’Inventoire :  Quels livres constituent pour vous la référence pour animer des ateliers d’écriture ? Sur quels textes, quels auteurs aimez-vous vous appuyer lors des ateliers ?

Hélène Massip : A chaque type d’atelier son corpus.
Pour l’animation des ateliers réguliers, bien entendu, je me réfère à la pédagogie développée par Aleph-Ecriture, principalement aux ouvrages d’Alain André et de Dane Cuypers.
Le livre de François Bon Tous les mots sont adultes, et son site en ligne, Le Tiers livre, sont de belles sources d’idées et de récits d’expérience d’ateliers.
Pour répondre à des demandes d’ateliers en lien avec des événements, comme par exemple « écrire le noir », séance que j’ai animée en médiathèque dans le cadre d’une semaine sur la thématique de la peur, il est nécessaire de se constituer une bibliothèque d’auteurs à partir desquels imaginer ses propositions d’écriture.

L’Inventoire : Quelle est votre expérience d’atelier la plus forte ? Pour quelles raisons ?

Hélène Massip : Rares sont les ateliers sans moment fort. Parce qu’un participant fait une découverte inattendue, que son écriture se déplace et qu’il en est surpris.  Parce que l’animateur fait un retour qui fait mouche. Parce que des interactions naissent entre les textes. L’atelier est un lieu d’ouvertures : ouverture à sa propre écriture, à la lecture, à l’écoute des textes, à la langue.
Je pense à une belle séance que j’ai animée récemment, dans le cadre d’un atelier ouvert en librairie. Je l’ai beaucoup aimée, sans pouvoir dire qu’elle était « la plus forte » : il n’y a pas eu d’émotions intenses, de « révélation », mais simplement un bel élan dans le groupe, un beau partage, une rencontre réussie entre le texte d’un auteur, la proposition d’écriture et les écrits des participants. Pour cette séance, je suis partie du livre La robe de mariée de Katherine L. Battaiellie, éditions Marguerite Walkine, 2015. Dans ce texte, l’auteur fait entendre la voix intérieure et secrète d’une artiste, Marguerite Sirvins, dont l’une des œuvres, une robe de mariée, est exposée au musée d’Art Brut de Lausanne. La proposition que j’ai faite à partir de ce texte est issue du livre Ecrire l’expérience d’Alain André et Mireille Cifali, PUF, 2007. Tout s’est mis à sonner juste : la réception du texte de l’auteur, sobre, dense et chargé d’émotion, l’appropriation de la proposition qui faisait la part belle à la mémoire du corps, aux gestes, puis la lecture à voix haute de leur texte par les participants.

affiloir_des_silencesL’Inventoire : Vous animez un atelier d’écriture intitulé Dimanche poétique en juin prochain, comment votre expérience d’auteure vous aide dans votre travail avec les participants ?

Hélène Massip : Ce qui m’aide dans mon travail avec les participants, c’est avant tout mon expérience d’animatrice d’ateliers d’écriture. Etre à l’écoute de chacun dans la dynamique du groupe, entendre chaque écriture, naissante ou plus affirmée, faire des retours en lien avec la proposition, c’est le cœur de l’atelier, quelle qu’en soit la thématique.
Si j’ai proposé le Dimanche poétique qui aura lieu le 12 juin prochain, c’est que j’aime lire, entendre, partager la poésie, celle qui s’écrit, qui se vit aujourd’hui. Au cours de la journée, les propositions d’écriture tirées de textes de poètes contemporains permettent d’écrire, mais aussi d’entendre quelques-unes de ces voix.
C’est donc avant tout en tant qu’animatrice, lectrice, spectatrice, et avec le désir de partager, que j’anime les ateliers.
J’écris depuis de nombreuses années. Poèmes, haïkus, nouvelles, textes autobiographiques. Cette pratique nourrit certainement aussi mon rapport à l’animation. La parution de textes, en revues, en recueils collectifs, puis en recueil individuel, ne change pas vraiment la donne.

 
L’Inventoire : Ecrire / Faire écrire, comment interagissent ces deux activités ?
Comment s’enrichissent-elles ? Se percutent-elles dans votre approche ?

Hélène Massip : Pour moi écrire et faire écrire sont des temps très différents. Lorsque j’anime beaucoup, j’écris peu. L’animation pour moi nécessite de se tourner tout entière vers l’extérieur, vers les autres : penser à des propositions, lire, écouter. Pour écrire, il me faut des plages de disponibilité intérieure. Il me faut cesser de lire, cesser d’écouter, cesser d’être spectatrice, cesser la collecte (sauf peut-être pour écrire des haïkus, pour lesquels collecte et écriture peuvent être quasi simultanées). Pour entendre ma voix d’écriture, il me faut m’éloigner des autres voix.

Propos recueillis par Marie Hélène Mas.

 

 

 

 

 

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