A propos d’Andréas Gursky

Paris, Montparnasse 1993
Andreas Gursky : « Paris, Gare Montparnasse », 1993

François Momal est né en 1960. Ingénieur de formation, il est aujourd’hui consultant en organisation. Pendant six années, il a suivi plusieurs parcours d’écriture (nouvelles, roman, écriture intime…) au sein de l’atelier d’écriture « Aleph » à Paris. Il pratique également la photographie depuis l’age de quinze ans et ses écrits sont souvent inspirés de sa propre production d’images.

Pour lui, l’image est déclencheuse de l’écriture. Il nous parle de sa pratique d’écriture en évoquant deux photographies d’Andreas Gursky.

SIMULTANEITES

C’est une photographie d’Andreas Gursky : « Paris, Gare Montparnasse, 1993 ». C’est une des barres d’habitation de la gare prise dans sa longueur. Un damier est constitué de petites fenêtres où parfois une persienne ou un rideau de couleur vive vient accrocher le regard et rompre la monotonie de l’ensemble. Toujours la même lecture à deux niveaux des photographies de l’artiste allemand : la vue d’ensemble et les détails (un  tissu rouge qui obstrue une fenêtre, une silhouette accoudée à un balcon). Globalité de la façade, détails des alvéoles rendus accessibles par la très haute définition de l’image.

CRI_199291
Andreas Gursky « Piscine, Ratingen », 1987

Autre grand format : « Piscine, Ratingen, 1987 ». Nageurs dans l’eau laiteuse, marcheurs au bord d’une piscine à la forme complexe. Au dernier plan des bronzeurs sur une pelouse. Chacun vaque à ses loisirs au sein de la composition d’ensemble.

Ce qui m’émeut c’est la pose figurative des petites silhouettes sur les photographies d’Andréas. Ces figurines très probablement ne se connaissaient pas et pourtant elles sont là ensemble sur la même image. Proximité spatiale, simultanéité, mais des trajectoires de vie très différentes. Concomitance sur l’image et décalage des vies. On aurait pu décaler les temps de ces sujets photographiés et cela n’aurait pas changé grand-chose. Et pourtant elles sont là, uniformément reparties sur les tirages géants d’Andréas, autant de subjectivités divergentes figées dans l’instant choisi par l’artiste. Ont-elles pu un jour se reconnaitre sur l’image ? Plus probablement elles mourront (ou peut-être sont-elles déjà mortes) sans avoir jamais su que le maître allemand les avait un jour saisies sur le même tirage. Comme nous le disait déjà Barthes, toute photo est une mort annoncée.

Que signifie la simultanéité sur une image ? Pas grand-chose il me semble, sauf si un avion, sorti de nulle part, venait soudainement s’encastrer dans l’immeuble photographié. Alors là les petites silhouettes pourraient vivre « simultanément » le même événement historique.

François Momal

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