Béatrice Dumont

Dans le mot rencontre, il y a contre. Étymologiquement, le mot rencontre renvoie à l’action de combattre. L’écriture, si elle est rencontre, serait-elle une énergie rétive qu’il faudrait dompter, mettre à nos pas, à nos mots ? Mais qui dit contre peut aussi dire tout contre. Tout combat implique un corps à corps. Qui perd et qui gagne, dans son combat avec l’écriture ? Y a t-il seulement un vainqueur et un vaincu ?

Dans un atelier au long cours, il y a des moments de grâce. Ils éclosent parfois dans le silence qui suit la lecture d’un texte. Le temps reste suspendu une infinité de secondes. L’auteur reste inquiet, pendant que se déposent dans les yeux des auditeurs des poussières d’étoiles. Ce jour-là, à partir de cette proposition-là, pendant l’écriture de ce texte-là, à ce moment-là de son chemin d’écriture, cette personne-là a rencontré l’écriture. Cela ressemble à un coup de foudre. Mais ce n’en est pas un. C’est même tout le contraire : le fruit d’un patient cheminement, d’une persévérance obtuse.

En atelier, on écrit docilement des textes, les uns après les autres, en faisant confiance à ce que propose l’animateur. Tout intéresse. On continue à écrire chez soi. On réécrit. On fait tout le travail, quoi… en honnête artisan. Mais on n’y est pas vraiment. On le sent. On continue pourtant, les mots s’alignent, avec les repentirs, les hésitations et le plaisir, tout de même, d’écrire.

Et puis, un jour, ça y est. On a touché quelque chose. Du fond des profondeurs, on a remonté quelque chose à la surface qui affleure dans ce texte-là. L’ombre est remontée à la lumière. Ce texte-là est le lieu de la rencontre entre quelque chose de soi et l’écriture. Une alchimie. L’alchimie de l’écriture et de son humanité à soi.

On en reste ému, chancelant.

On se dit : c’est pour écrire ce texte-là que je suis venu à l’atelier.

Et, comme lors d’une rencontre d’importance, la vie n’est plus la même après. Elle est transformée. Après cette rencontre avec l’écriture – ou avec son soi écrivant -, on est moins seul. Et c’est pour toujours. (mars 2014)

B.D.

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