Vos textes à partir de « La langue des oiseaux » de Claudie Hutzinger – Aurélie Lah

IMG_8668Cette semaine nous avons sélectionné cinq textes en réponse à la proposition d’écriture à retrouver ici à partir du roman de Claudie Hunzinger « La langue des oiseaux » (Grasset, 2014). Voici celui d’Aurélie Lah.

Illusion d’optique

« Dernier appel, les voyageurs du vol AF430 sont priés de se rendre au comptoir d’embarquement Porte 12 ». Leurs regards accrochés l’un à l’autre, deux survivants d’un naufrage, agrippés à un fragment de bois flottant. Une question de vie ou de mort, précisément. Quelques minutes auparavant, leurs âmes s’ignoraient encore. Leurs yeux ne se reconnaissaient pas. L’aéroport, comme un planète distincte, abritait ces deux vies particulières dans un espace particulier. Plus de notion de jour ou de nuit, seulement des heures fixes affectées à un emploi du temps limité jusqu’au décollage. Enregistrement, embarquement. Encore deux heures à tuer et ce serait son heure. Clémence rêve au comptoir du Starbuck, le regard et les pieds dans le vide. Aucune envie de quitter sa vie, sa ville pour une terre sainte, qu’on lui assigne au nom de Dieu, comme un vêtement trop grand pour ses épaules trop frêles. Encore deux heures et Kolia partirait. Il est las. Las de ce métier épuisant de chasseur d’informations dans une région usée par les conflits. Las de ne plus trouver la paix, ni en lui, ni ailleurs. Il fixe son café Americano fumant … Une silhouette bouge en face d’elle. Clémence ajuste son regard noir sur celui qui lui fait face. Y lit en un éclair ce qu’elle ressent. Comme un miroir : ne pas partir, oublier l’avenir. Rejoindre l’armée des ombres de cet espace entre ciel et terre. Entre décollage et atterrissage. Elle n’est plus seule. Ces yeux l’entrainent dans un lieu protégé et familier. Ne plus bouger, ne plus voler. Kolia quitte le noir de son café pour plonger dans les pupilles dilatées d’une jeune femme a l’air désespéré. Du noir au noir. Il n’est plus seul. Ne pas la quitter. L’aimanter. L’emmener loin sans l’aliéner. Ne plus bouger, ne plus voler. « Dernier appel … », c’est pour lui, pour elle. Israël.

Aurélie Lah

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