Fictionner le réel avec Valérie Mello 

Écrire au plus près du réel pour toucher le lecteur en s’appuyant sur la démarche des écrivains de la narrative non-fiction, c’est ce que vous propose Valérie Mello au cours du stage Fictionner le réel les 22 et 23 novembre 2025

L’Inventoire : Qu’est-ce que le réel peut apporter à l’écriture de fiction ?

Valérie Mello : On peut dire que le réel impose sa matière – séduisante et séductrice, fascinante et fabuleuse, ordinaire et répétitive, violente aussi.

Le lieu de création de la littérature américaine c’est le monde. Les auteurs puisent inlassablement dans leur histoire et actualité – faits, événements, phénomènes sociaux-politiques, guerres, 11 septembre, Irak, Covid, etc.

L’une des spécificités du travail des écrivains (de narrative-non-fiction mais pas seulement) est de s’immerger dans des mondes, avec pour parti-pris de les écrire de leur point de vue, depuis leur centre. Cette optique engendre une variété de formes à l’aune des multiples ressentis de chacun. L’empathie est au cœur de leur démarche (Colum McCann, American Mother). Une autre spécificité et pas des moindres : la fiction vient combler les blancs documentaires. Là aussi, il y a beaucoup de choses à dire, à élaborer et à écrire …

Qu’allez-vous faire écrire ?

Dans l’atelier, on chronique des faits, lieux, microcosmes, on croque des figures – anonymes et personnalités en vue. Les écrits d’observations se déploient sous des registres variés selon l’impact que les « réels » observés suscitent en chacun. L’imaginaire y a sa place aussi.

Des approches et déplacements sont proposés pour faire émerger une écriture vivante, nourrie des mythologies actuelles (techno, média et autres), une écriture où les voix se font entendre, où la subjectivité est à l’œuvre.

La narrative non-fiction occupe une place importante dans le paysage littéraire nord-américain. Quels auteurs vont vous accompagner au cours de cet atelier ?

C’est un courant énorme et en évolution constante, historiquement issue du travail de l’enquête et de l’observation. *

Dans l’atelier, je m’appuie sur des textes (traduits) d’écrivains contemporains. On chemine avec ceux qui parlent volontiers de leur travail, par exemple, voici ce que Gay Talese explique sur les portraits qu’il écrit : « Je pense comme une caméra, je veux que les choses fonctionnent visuellement. Je veux me déplacer et donner différentes choses à voir au lecteur. Je ne veux pas faire une série de gros plans, comme dans un documentaire. Je veux de l’interaction, de la conversation, du conflit ».

Les écritures se font avec J. Didion, C. Mc Cann, A. Nicole LeBlanc, Ta Nehisi Coates, entre autres. On s’embarque un temps avec Stephen King, aussi …

Pour finir, pensez-vous que la fiction peut aider à comprendre le réel ?

La fiction est exempla – cf. les mythes. C’est l’image de la chose qu’on colle devant les yeux du lecteur. Une fois l’image élaborée, la réalité qu’elle recouvre devient interprétable. Le lecteur adhère aux personnages, aux situations, etc. et dès lors il tremble pour eux, avec eux.

Camille Berta

* Je renvoie à Robert S. Boynton, Le Temps du reportage, 2005 / trad. 2021aux éd. du Sous-sol)

Après de longs séjours dans plusieurs coins du monde, Valérie Mello a enseigné vingt ans les lettres et le théâtre, et accompagné des lycéens dans leur parcours scolaire et créatif. Les ateliers se situent au carrefour de ses passions : écrire pour faire écrire, transmettre et accompagner.

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