En atelier, nous faisons émerger des textes de premiers jets. Les propositions d’écriture et les textes littéraires présentés servent d’inducteurs. C’est une porte qu’on entrouvre et par laquelle les écrivants font leur entrée dans l’écriture.
Cette porte peut mener vers bien des horizons que même celui qui écrit ignore encore au moment où il trace les premiers mots sur la page. « L’écriture, c’est l’inconnu », dit Marguerite Duras.
Cette écriture qui mène l’enquête nous semble essentielle. Écrire sans faire de plan, c’est se laisser dérouter, oser prendre des chemins de traverse. Cela peut être inquiétant, d’aller vers l’inconnu, mais rien n’advient sans une prise de risque.
Beaucoup d’écrivains pratiquent également cette forme d’écriture qui permet de découvrir l’histoire et les personnages au fur et à mesure, sans se soucier d’analyser ni de prévoir. Dans son beau roman/récit autobiographique Le plus court chemin, Antoine Wauters écrit :
« J’écris ce livre sans réfléchir, comme quelqu’un qui ferait un puzzle sans savoir combien de pièces il compte, ni ce qu’il doit former. Je n’ai pas de modèle. Pas d’image pré-imprimée où poser mes pièces. »
De son côté, l’autrice américaine Louise Erdrich utilise une autre image pour parler de son processus d’écriture. Elle explique : « J’écris de manière linéaire et ma phrase me conduit de manière logique à la suivante. (…) C’est alors comme si je traversais un grand immeuble qui serait déjà construit tout autour de moi, un immeuble très complexe qu’il faudrait pouvoir coucher sur le papier. J’ai l’impression que l’écrivain est la personne qui passe d’une pièce à l’autre avec une toute petite bougie et qui essaie de mettre au jour la structure des lieux. Quand les alentours s’éclaircissent, je commence à distinguer des connexions et à voir émerger ce que je voulais véritablement dire. »
Ce premier « draft », Louise Erdrich le rédige à la main dans des cahiers, puis elle « tape toutes ces pages à l’ordinateur et c’est à ce moment-là qu’[elle] y apporte les changements nécessaires ».
Les textes précieux et fragiles, qui voient le jour et dont le premier jet est rendu public pour la première fois dans la bulle de l’atelier, peuvent ensuite faire l’objet d’un retravail personnel quand on est chez soi – à partir des retours faits par l’animateur et les participants, ou au cours d’une autre séance. Mais c’est une autre histoire !
Camille Berta
Pour découvrir l’écriture en atelier, découvrez le Module Oser Écrire.
Source Interview de Louise Erdrich – Amérique, des écrivains en liberté, d’Alexandre Thiltges, Albin Michel, 2016



