daniellekroll_01Du 28 novembre au 6 décembre 2013

Notre rubrique « L’Atelier ouvert » vous propose de lire et d’écrire à partir de parutions récentes. Une sélection sera publiée quinze jours plus tard dans les pages de L’Inventoire. Envoyez vos textes à atelierouvert@inventoire.com

Cette semaine, Alain André propose une consigne d’écriture à partir du livre Autobiographie des objets, le dernier ouvrage de François Bon (Seuil, 2012).

L’extrait

« Longtemps j’ai pensé que nous nous étions rendus à La Rochelle pour l’achat des premières lunettes, mais non, c’était chez Van Eenoo-Clerjeau au tout début de la rue  principale à Luçon. D’opticien, il n’y en avait qu’un. Venait le difficile choix de la monture, robustesse d’abord. Le souvenir de la sortie du magasin, enfin équipé d’une vue correcte, quand cette merveille du monde, la rue principale de Luçon, m’était apparue nette jusqu’à des dizaines de mètres, précise comme je n’aurais jamais imaginé que le monde soit précis, et les visages chacun un visage plus loin qu’à seule distance de vos deux bras réunis et non plus la vie à peu près, c’était une révélation. Ensuite, c’est la vie des myopes… » (pp. 72-73)

Suggestion

Autobiographie des objets, dernier ouvrage de François Bon (Seuil, 2012), renverse la démarche de Francis Ponge. On prend le parti des objets, mais en les envisageant comme des « possessions personnelles » : des territoires engloutis, ou pas, comme « la vie des myopes » quand on est myope (je me souviens moi aussi de ma première paire de lunettes et du magasin, sur la place de la Mairie, à Ruffec). Ils sont le lieu géométrique de nos singularités, souvent minimes, voire de nos antipathies discrètes. Premières lunettes, et les suivantes, et comment cela affecte notre relation aux mondes et aux autres. On est gaucher – les ciseaux ! On n’aime pas la photo argentique ou que quelqu’un puisse dire du mal de Maurice Blanchot (vous voilà prévenus, s’agissant de François Bon). On a le goût des ficelles (le livre de François Bon évoque en premier une « corde de nylon »), des dictionnaires ou du pied à coulisse. On se souvient de la première télévision familiale… Et vous ? Quelle est la « possession » qui vous revient en mémoire ? À quelle singularité renvoie-t-elle ? Pourriez-vous nous les restituer (en 1 500 signes) ?

 Lecture

François Bon est né d’un père garagiste et d’une mère institutrice, en 1953 (ce qui compte, s’agissant d’objets). Après des études d’ingénieur et une expérience professionnelle dans l’industrie, il publie Sortie d’usine (1982) et cinq autres romans chez Minuit. De nombreaux ouvrages suivent, dont un essai sur François Rabelais, une trilogie sur le rock’n roll (Stones, Dylan, Led Zep). À partir de 1991, il se met aux ateliers d’écriture (Tous les mots sont adultes, Fayard, 2002) ; puis, à partir de 1997, se consacre à l’écriture sur Internet via le site personnel tierslivre.net et la plateforme d’édition numérique publie.net (Après le livre, Seuil, 2011). Autobiographie des objets est son dernier livre et l’un des plus personnels. L’ouvrage intègre une réflexion sur le changement de statut des objets depuis le milieu du siècle dernier à une entreprise d’archéologie à la fois personnelle et locale. Il ressuscite, via la généalogie familiale, tout l’univers traditionnel du « Bas Poitou » : plaines basses et marais venteux bornés par Fontenay-le-Comte, Luçon ou La Rochelle.

Alain André

 

 

 

 

 

 

 

 

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