La Fille de la piscine, Léa Tourret (Gallimard), par Pierre Ahnne

Pierre Ahnne est écrivain et a créé un blog littéraire sur lequel il partage chaque semaine ses lectures. Il réalise également des retours sur les manuscrits qui lui sont confiés par Aleph-Écriture dans le cadre des lectures-diagnostics. Il partage régulièrement certains de ses articles sur L’Inventoire.

Elle écrit systématiquement « je m’en rappelle » mais, une fois n’est pas coutume, on ne peut pas (même moi) lui en vouloir. Si elle ne le faisait pas, Léa Tourret dérogerait au parti pris d’hyperréalisme qui est au cœur de son premier roman. Je ne parle pas de réalisme au sens classique du terme, bien sûr. Mais nous avons ici le portrait exact, cru, d’une minutie quasi maniaque, d’un âge, pour lequel tout lecteur habitué de ce blog connaît mon intérêt : l’adolescence.

Depuis qu’il existe littérairement (Beaumarchais, Rousseau…), cet âge a toujours constitué un pays étrange, c’est d’ailleurs là son intérêt. Mais, au fil des dernières décennies, il semble être devenu franchement une île interdite, fort éloignée du « domaine mystérieux » d’Augustin Meaulnes. Lena, l’héroïne de La Fille de la piscine s’insurge au détour d’une page : « Cette manie de nous mettre dans le même sac (…). Comme si on était tous les mêmes, comme si c’était une maladie temporaire qui nous rassemblait dans l’adolescence ». Eh bien, mon Dieu, c’est en effet un peu le sentiment qu’on a en les entendant parler (activité pour laquelle j’ai été rémunéré longtemps) ; et on l’a plus encore en entrant dans un livre dont il faut approcher au plus près le texte subtil si l’on veut voir se détacher les différences entre ses personnages, qui existent d’abord par leurs gestes et leurs paroles.

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