« Un instant dans la vie de Léonard de Vinci » de Marianne Jaeglé

Régulièrement Pierre Ahnne partage des articles de son blog avec L’Inventoire. Aujourd’hui « Un instant dans la vie de Léonard de Vinci et autres histoires » de Marianne Jaeglé (L’Arpenteur), et auteur de « Vincent qu’on assassine ».

Y a-t-il vraiment des instants, dans la vie, où tout se joue ? Il est permis de penser qu’en dehors de circonstances exceptionnelles ils sont en réalité plutôt rares, et que nos grandes décisions se prennent, avec ou sans nous, de façon insensible, progressive et inaperçue. Mais les instants clés font de parfaits sujets de nouvelles. Au sens le plus classique du terme : une vie en quelques minutes, en quelques pages, volontiers terminées par une chuteCe sont de telles nouvelles que l’on trouve dans le recueil publié ce printemps par Marianne Jaeglé. L’auteure de Vincent qu’on assassine (L’Arpenteur 2016) a choisi de les consacrer elles aussi à de grands artistes. Moins courue que le roman biographique, il y a en effet la nouvelle biographique, dont Michon, dans Maîtres et serviteurs (Verdier, 1990) a donné de beaux exemples. Mais il s’agissait là de nouvelles longues. Les vingt et un récits de Marianne Jaeglé comptent chacun à peine quelques pages, et toute leur force vient de ce qu’ils jouent jusqu’au bout le jeu de l’instant.

« Transparence liquide »

On y rencontre du beau monde : le Caravage, Théophile Gautier, Chaplin, Mendelssohn… même Homère (dont, avouons-le sans détour, il aurait mieux valu se passer). Une suite de courtes notes finales indique où l’auteure a trouvé le détail dont elle est, dans chaque cas, partie. Car tous ces récits ou presque racontent bien un moment plus ou moins bref dans une vie : rentrant de voyage, Mendelssohn retrouve sa sœur ; Chaplin glisse paisiblement (et, sans le savoir, pour la dernière fois) dans le sommeil ; Malaparte visite le ghetto de Varsovie ; Claudel, après brève réflexion, renonce à prendre en charge Camille… On peine à vrai dire parfois un peu à saisir en quoi ces instants sont décisifs. Que ce soit pour l’existence de l’artiste (que change pour Picasso la visite que lui rend Otto Abetz dans son atelier ?) ou, surtout, pour l’œuvre : si Claudel et Mendelssohn avaient été de meilleurs frères, auraient-ils écrit ou composé différemment ? On discerne mal aussi l’importance, inévitablement grande, qu’a pu avoir pour ses livres à venir la fausse exécution du jeune Dostoïevski. Et on ne voit pas du tout en quoi le fait que Dürer n’ait pas peint une baleine est essentiel.

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En savoir plus sur Pierre Ahnne:

Pierre Ahnne est né à Strasbourg. Il a enseigné dans l’est de la France et au Lycée français de Moscou. Depuis 1984 il vit à Paris et a travaillé dans un lycée de proche banlieue.

Il a publié plusieurs romans : Comment briser le cœur de sa mère (Fayard, 1997), Je suis un méchant homme (Stock, 1999), Libérez-moi du paradis (Le Serpent à plumes, 2002),  Couple avec pistolet dans un paysage d’hiver (Denoël, 2005), Dernier Amour avant liquidation (Denoël, 2009), J’ai des blancs (Les Impressions nouvelles, 2015).

Pierre Ahnne est écrivain et réalise des retours sur les manuscrits qui lui sont confiés dans le cadre des lectures-diagnostics.

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