41RObv4VdaL._SY344_BO1,204,203,200_Cette semaine, Hélène Massip vous propose d’écrire à partir du dernier livre de Serge Joncour « L’écrivain national » (Flammarion, 2014). Vous pouvez nous envoyer vos textes jusqu’au 16 mars à atelierouvert@inventoire.com. Une sélection sera publiée deux semaines plus tard.

Extrait

« L’avenir, mes chers concitoyens, il ne faut plus l’attendre d’en haut, c’est à nous d’initier les projets, parce que les projets, c’est l’emploi, et l’emploi, c’est la croissance ! Je vous l’annonce, dans la foulée de notre futur complexe industriel, il y aura le prolongement de la « deux fois deux voies », ainsi que la construction d’une nouvelle médiathèque et de la salle omnisport, mais le progrès, ce soir, il est là à côté de moi, et c’est Notre écrivain national, alors levons tous nos verres à celui qui, je n’en doute pas, fera rayonner notre ville…

À ce moment-là, ils tentèrent tous d’applaudir, mais, visiblement gênés par leur verre, ça donna une salve d’applaudissements inachevés, et pourtant je ne savais plus où me mettre, tant il était flatteur de se voir comparer à une « deux fois deux voies » et à un projet de scierie. (…) Je serrai quelques mains qui s’offraient ça et là, mais je voulais surtout rejoindre le couple de libraires et la responsable de la médiathèque qui devisaient entre eux vers le fond de la salle, seulement le maire voulait serrer la main de tout le monde et me présenter tous ses concitoyens, il n’en finissait pas de m’expliquer le besoin vital de la contribution de chacun aux projets de balconnières et de nouveaux ronds-points. Sa femme lui tenait le bras comme si elle nous l’avait prêté uniquement le temps du discours. Se joignant à la conversation, elle m’assura que ce serait bienvenu que je réfléchisse à une idée de rond-point culturel, un rond-point qu’elle voulait « littéraire », parce qu’elle en avait marre des vélos géants et des saynètes forestières, des horreurs qu’elle était obligée de contourner tous les jours et qui lui faisaient honte ! »

Suggestion

Dans L’écrivain national (Flammarion, 2014), Serge Joncour fait le récit de la résidence d’écriture d’un auteur, Serge, invité dans un village du Morvan. « Ce séjour promettait d’être calme », le livre commence ainsi. Il n’en sera rien. L’auteur se trouve embarqué par un fait divers qu’il découvre à son arrivée dans le journal local. L’attraction forte pour une jeune femme vue en photo, qualifiée de « néo-rurale », l’entraîne vers la forêt profonde, la boue, la nuit, il commet toutes sortes de maladresses. Il est en retard aux manifestations organisées autour de sa venue, arrive sali et mouillé dans ses ateliers d’écriture.

Les personnages de la vie locale, monsieur le Maire, notables, libraires, encadrante d’un groupe d’illettrés, lectrices, ouvriers du bois, logeuse, bistrotiers, restaurateur, chasseurs, partisans et opposants au projet de nouvelle scierie, tous interagissent avec l’auteur à partir d’enjeux qui leur sont propres. Dans son discours d’accueil, le maire lui attribue le sobriquet « Notre écrivain national ». Sans l’influence de son épouse, il aurait, lui, préféré inviter un sportif.

Imaginez l’arrivée d’un nouveau venu, pour une durée de quatre semaines, dans un groupe constitué, dans une communauté. Comment les personnages utilisent-ils sa présence ? Sert-il de faire-valoir, de déversoir, de bouffée d’oxygène, rompt-il un équilibre, gêne-t-il ? Choisissez votre contexte : l’histoire peut se dérouler dans le monde du travail, dans une famille le temps de vacances, au fin fond d’une forêt tropicale, libre à vous…

À quel genre de scène votre histoire peut-elle donner lieu ?

Envoyez-nous en une (un feuillet de 1500 signes au maximum).

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Serge Joncour

Lecture

Né en 1961, Serge Joncour a exercé différents métiers avant de se consacrer à l’écriture (publicitaire, maître-nageur). Son premier roman, Vu, est sorti en 1998 au Dilettante. L’idole, publié en 2004 chez Flammarion, a été porté à l’écran par Xavier Giannoli sous le titre de Superstar, en 2012. Auteur d’une dizaine de romans, il manie l’humour, parfois jusqu’à l’humour noir. Ses personnages, pour la plupart discrets et vus avec tendresse, évoluent dans des milieux présentés avec un grand sens du détail, souvent en zone rurale. Serge Joncour est aussi l’un des animateurs de l’émission Des papous dans la tête, sur France-Culture.

Ce nouveau roman, L’écrivain national, m’a fait rire. La satire du métier d’auteur en résidence se mêle à un fait divers rural contemporain, champ de bataille en modèle réduit de luttes très actuelles. Serge, l’auteur, est naïf et maladroit, mais il s’en tire bien, parvenant à accompagner les différents protagonistes de l’histoire jusqu’à ce que son secret lui apparaisse. Il recueille les confidences, mène sans le vouloir l’enquête, attire les soupçons, la désapprobation, entêté qu’il est dans son désir de s’approcher d’une femme qui exerce sur lui une attirance magnétique. Il sort du programme qu’on a défini pour lui, tente de rattraper au mieux ses bévues. Il est touchant, énervant, pathétique, drôle. Le récit des batailles locales, explicites ou souterraines, sonne juste, de façon toujours savoureuse.

H.M.

Hélène Massip est bibliothécaire et également auteur de nouvelles, de poèmes et de haïkus. Dernière publication: « Au bout du compte », dans Quelles nouvelles, Editions La Passe du vent (2004).

Elle animera un stage les 14 et 15 mars prochain pour Aleph-Ecriture, dans le cadre du Printemps des Poètes, à Lyon. A découvrir ici.

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