« À part la nuit », Benoît Didier

À Part la nuit

 À part la nuit,

revenir

entre deux chapitres bordés d’un trait de charbon,

sous la fresque d’une ville

due au hasard.

 

Écouter l’autre voix

lire le flux dépouillé,

à la merci des vents contraires

sur le linge noir des ombres échappées d’une autre fête.

 

À part la nuit,

souvenirs accrochés,

paroles éphémères

et sédiments contrastés

des succès sans issues

fendus par l’éclat boussole

du livre d’or des tempêtes.

 

Miettes nacrées

des débuts de l’histoire,

sous l’encens des archers

ignorer la mesure,

mettre en joue les faux semblants,

se désassembler.

 

A part la nuit

humer les racines

des sources de l’eau forte,

à la brèche liquide

parcourir la distance,

prolonger l’écho

se dire deux trois fois,

rien.

 

Tentées de dilution

par le ressac des heures lentes,

sur le fil inépuisable

d’un brouillon incertain,

seules restent les ombres,

alibis de nos pas,

sans passé ni futur.

 

A part la nuit

happée par le flot continu,

glaner dans cette parenthèse

la carte illusoire

d’un estuaire de silence

sous la cloche zodiaque

d’un jardin mouvant,

tisser nos estompes

sur un brocart de fumée.

 

Ravitailler d’éperdu

le combat des choses

guidé par la buée

des délitements hypnotiques,

entre le vide et le rien

prendre ce qu’il reste,

revenir à l’aube pâle

vers la chambre haute

pour traverser, un dernier cri,

à part la nuit.