« Carnets du corps » avec Catherine Berthelard, à Romans-sur-Isère

À la fois atelier pour l’écrivain, aide-mémoire et journal minimal, le carnet est un outil central pour l’auteur en devenir. Catherine Berthelard animera du 1er au 3 juillet 2024 le stage : Carnets du corps à la Villa Pagnon, Romans-sur-Isère.

L’objectif de ce stage est de « vivre des pratiques corporelles de yoga, de relaxation et de méditation pour s’ouvrir à ses espaces intérieurs et faire passer la vie de l’expérience à la phrase. Pendant trois jours, ressourcer son corps et son esprit dans l’environnement serein d’un parc et de la nature drômoise. Tenir un carnet de bord voyageant entre fragments et autres formes brèves, écrire le corps ici et maintenant

L’Inventoire : Comment en êtes-vous venue à animer des ateliers d’écriture pour Aleph-Écriture ?

J’ai très vite croisé la route d’Aleph-Écriture et été d’emblée séduite et convaincue par la place donnée au partage d’outils littéraires et par la qualité pédagogique des animateurs. J’ai apprécié la grande capacité d’ouverture et le souci de transmission des fondateurs d’Aleph (Alain André, Jacqueline Dupret) puis de Jean-François Géhant et Nicole Voltz, qui ont accompagné mes débuts dans la structure. J’ai ensuite suivi les formations autour du Journal et des Carnets avec Catherine Soudé et Catherine Stahly-Mougin qui m’ont beaucoup transmis et inspirée. J’anime maintenant des ateliers d’écriture depuis une quinzaine d’années à Aleph-Écriture et j’y apprécie toujours autant les échanges de pratiques et l’invention de démarches en équipe.

Vous animez un stage Corps et mouvement, intitulé Carnets du corps. Quel lien existe-t-il entre l’écriture et le mouvement ?

Depuis de nombreuses années, j’écris des carnets de toute sorte et j’anime des ateliers sur les carnets, les journaux, l’autobiographie. J’aime ces territoires d’écriture qui peuvent raconter tout à la fois, le dedans et le dehors, soi et les autres, qui font la place aux paysages intérieurs et à ceux du voyage. J’aime y associer photographies, collages, croquis. J’aime croiser l’écriture poétique avec celles de pensées, de très courts récits avec des fragments. 

D’autre part, je pratique également le yoga depuis de nombreuses années, la méditation et la danse. Ces pratiques m’ouvrent à d’autres dimensions de l’intimité, de la connaissance de soi et bien sûr du rapport au corps. Ces pratiques m’ont beaucoup soutenue et je souhaitais également les partager.

Comment vous est venue l’idée de ce stage ?

Durant ces formations orientées vers le corps, je rêvais que l’écriture puisse y trouver une place. Les pratiques corporelles nous connectent parfois à des émotions, des ressentis que notre mental ne perçoit pas toujours. J’avais imaginé que l’écriture puisse succéder aux pratiques et répondre à ces expériences du corps. Ainsi mieux les écouter et se les approprier en les nommant.

Mon idée est de proposer aux habitués des ateliers d’écriture, un autre biais et de nouveaux territoires d’écriture. Plutôt que se retrouver assis autour d’une table devant une page blanche et aller chercher l’inspiration dans l’imaginaire ou la mémoire, je souhaitais proposer de démarrer par des expériences corporelles.  Amener les participants à privilégier l’attention à ce corps que l’on oublie souvent et lui redonner toute sa place, grâce à cette présence à l’instant présent.

Je souhaitais également enrichir mes propositions en co-animant avec d’autres intervenants (photographes, metteurs en scène, danseurs, musiciens…), ce que je fais toujours avec un vif intérêt. Inventer ensemble, une alternance entre séquences de mouvement, et séquence d’ écriture. Ce sont ces raisons qui m’ont amenée à proposer, il y a quelques années, les stages Carnets de bord de mer puis Carnets du corps.

Durant ce stage, quelles places vont occuper respectivement le mouvement et l’écriture ?

crédits photograohiques : Villa Pagnon, Romans-sur-IsèreCommencer par des pratiques corporelles permet par exemple, une attention accrue à la respiration, aux gestes mais aussi aux parties de notre corps, à notre chair, à nos muscles et nos os ainsi qu’à nos organes. Le corps est le lieu de l’incarnation et permet que s’y produisent les évènements sensoriels.

Et les sens sont un vecteur intéressant pour l’écriture, le classique « Donnez à voir, à sentir » des ateliers d’écriture. Le corps se définit aussi comme une force, une forme et ses dimensions symboliques peuvent s’explorer en écrivant.

Que peut apporter la pratique du mouvement à l’écriture et vice-versa ?

La mise en mouvement va ouvrir d’autres espaces de perception, une attention précise aux manifestations corporelles. L’écriture va se centrer sur le corps, devenir plus précise et rendre plus conscientes ces expériences.

Il s’agit en somme de se mettre à l’écoute du corps, de la façon dont il respire et bouge, de la façon dont il ressent également. Alterner les pratiques corporelles et les séquences d’écriture permet de privilégier  le passage par l’expérience… Se servir de la variété des formes brèves permet de trouver son propre cheminement dans cette écriture de l’intimité du corps.

Est-ce que ce stage peut aider les écrivains qui traversent des pannes d’écriture ou ceux qui ont du mal à se concentrer ?

Oui, cette approche qui mêle pratiques corporelles et écriture permet en effet de se concentrer davantage. Elle apprend à se détendre et à mettre une sourdine au mental. Notre mode de vie nous éloigne parfois des ressentis du corps et ce stage permet d’y être attentif mais aussi de ralentir notre rythme afin de se ressourcer.

C’est également l’occasion de découvrir d’autres variations autour des thématiques classiques de l’autobiographie. D’être surpris par l’inattendu des perceptions et peut-être se défaire de quelques clichés. Trouver des tons différents et des réseaux d’images inhabituels qui enrichissent l’écriture.

Propos recueillis par Nathalie Hégron

Catherine Berthelard animera plusieurs stages autour du carnet cet été, à découvrir ici.