Catherine Berthelard sous le Ciel de Royan : paroles d’estuaire

Catherine Berthelard anime des ateliers pour Aleph et poursuit depuis plusieurs années une recherche sur la mise en son de textes rassemblant plusieurs voix. Lauréate d’une bourse d’écriture de l’ALCA (Nouvelle Aquitaine) elle est actuellement en résidence pour huit semaines au Ciel de Royan, lieu qui accueille des résidences d’écriture Aleph et des écrivains.

Elle donnera une lecture-spectacle accompagnée par le musicien Jean-Michel Jaron les 19 novembre à 17 h au musée de Royan et le 20 novembre au ciel de Royan (sur réservations), issu de textes personnels et de textes collectés auprès des habitants et des participants à son atelier d’écriture. Nous l’avons rencontrée.

L’Inventoire : Pour construire votre projet d’écriture, vous animez des ateliers et recueillez les paroles des habitants de Royan via une carte postale en leur posant cette question « Quel est votre lieu de joie ? ». Et vous, Catherine Berthelard, quel est votre lieu de joie [1] ?   

Catherine Berthelard : Un lieu de joie est très extérieur à soi, très intime à la fois. Un voyage dans un paysage rêvé le plus souvent.  Un lieu de joie n’est pas immuable, il change selon les jours, selon les périodes de la vie. Pour ma part, mes lieux de joie se trouvent toujours à proximité d’un arbre ; prés d’un cerisier dans l’enfance, d’un chemin de cèdres ensuite, pour s’enraciner, plus tard, près de chênes centenaires.

Mon lieu de joie oscille entre la terre et la mer

Mon lieu de joie oscille entre la terre et la mer. Aujourd’hui c’est un phare dans le lointain, une vague sur la peau, un souffle de vent dans les étoiles. J’habite un endroit dans lequel les bateaux voguent et transportent la musique des arbres, j’habite un lieu de joie privée, un lieu de joie déployée, d’encre et de lettres tracées.

Que retirez-vous de cette expérience de résidence à Royan ?

Un vrai cadeau, un grand bonheur. J’ai du temps pour écrire et un lieu magnifique pour créer. Je suis accueillie dans une maison rénovée dans les années cinquante, décorée par Véronique Willmann avec des couleurs vives et  joyeuses;  un havre de paix pour imaginer et donner forme à l’écriture.

Cette ville balnéaire me séduit chaque jour un peu plus grâce à son architecture moderne qu’il faut vraiment découvrir, ses paysages maritimes surprenants, son estuaire secret et changeant. Pendant huit semaines de résidence, je consacre mon énergie à la création. J’observe, j’écoute et j’écris dans les rues, sur les plages, le long des falaises et des criques. Je m’inspire de cette lumière d’estuaire, afin d’entrainer mes textes dans un mouvement de mots, suivant une douceur particulière, ouvrant sur une lointaine beauté. Et quand les ciels roses de l’aube ou du soleil couchant inondent l’estuaire de nuages amicaux, je me sens d’ici et c’est ainsi que ma voix intérieure devient poésie.

Parlez-nous de votre projet d’écriture sonore ?

J’écris depuis plusieurs années en favorisant les approches plurielles, en faisant entrer en résonance des univers musicaux. À voix haute, accompagnée par les compositions de Jean-Michel Jaron, j’interprète les textes que j’écris, je donne corps aux mots et j’ouvre ainsi un espace neuf à mes recherches.

J’ai choisi de donner une dimension collective à mon projet de résidence en rencontrant les habitants, en collectant leurs mots et leurs textes durant des ateliers. J’aime passer de ma propre voix à celles d’autres personnes que j’invite durant un temps éphémère de la performance, à rejoindre le tempo, la pulsation d’un duo.

Ecriture plaisir puis lecture créative, travail collectif puis effervescence musicale, permettent de donner un supplément d’âme à ma poésie.

Pensez-vous développer cette expérience sur scène plus tard ou sur les ondes ?

J’ai la chance de la développer dès maintenant. La lecture musicale créée en résidence sera donnée très prochainement en public le 19 et 20 novembre, à Royan. Elle trouvera matière à une captation sonore durant le spectacle et sera soutenue par l’Alca pour une diffusion sur le territoire.

Je souhaite favoriser les rapprochements entre les textes, la musique et  développer des voix plurielles. Trouver les forces de distribution nécessaires pour partager ce spectacle dans tous les lieux dédiés à la culture. Il y aura d’ailleurs un support écrit autour de ce projet.

Vous animez  un atelier de formation à lanimation dateliers d’écriture avec la Sofor, notamment partenaire d’Aleph, quavez-vous envie de transmettre de votre expérience ?

Le goût de l’invention. D’amener les participants à imaginer des propositions qui ouvrent le champ à des expériences d’écriture à partir de supports tels que la photographie, la musique, le mouvement. Ces sources vivantes d’inspiration permettent d’enrichir les propositions habituelles et d’entraîner les participants vers des techniques de travail plus collectif, vers des restitutions performatives, des lectures à voix haute, en son, en scène.

Que vous souhaiter pour la suite ?

De l’écriture surtout, du temps disponible également pour créer dans ces nouveaux espaces sonores durant des temps de partage et de collaboration avec d’autres artistes.  Me souhaiter de l’espace pour inventer, pour  échanger sur les expériences créatives d’écrire et de faire écrire. Tout cela dans des lieux de joie, bien sûr !

DP

À lire aussi : « La poétique de l’instant lu » à propos de la résidence de Catherine Berthelard, dans la revue PROLOGUE.

Elle animera la formation Aleph à l’animation d’ateliers d’écriture à partir du 6 décembre avec Marianne Jaeglé et la formation à l’animation d’ateliers d’écriture Sofor 2022.

Journées découverte / Modules 1, 3, 5 à Bordeaux / 5 dimanches pour écrire à plusieurs mains

[1] En référence au livre de Gaston Bachelard, la poétique de l’espace, PUF 2020

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