AG-HOMME-E14-PUne fois n’est pas coutume, interrogeons-nous cette semaine, non sur l’avenir du livre, mais sur ses déclinaisons dans la culture d’aujourd’hui, et en particulier, celle de la mode.

Balzac Paris est une petite marque parisienne fondée par trois amis. Deux hommes s’occupent des finances et une femme, du design. Victorien, Charles et Chrysoline aiment la littérature, les beaux ourlets et l’intelligence des vêtements au tombé parfait. C’est pourquoi leur marque a pour ambition d’afficher un Made in France en phase avec notre patrimoine national : la littérature.

On aurait pu penser pourtant qu’ils auraient développé leur offre de produits en se tournant vers des écrivains plus contemporains. De jeunes auteurs auxquels ils auraient demandé des contributions littéraires, avec lesquels ils auraient fondé une maison d’édition, publié des nouvelles ou encore réalisé un journal en ligne ouvert à la littérature qui les inspire. Mais non. Et c’est notre seul regret devant cette marque de niche très représentative de l’époque.

questionnaire-videMais, point positif : comme la marque AMI, ils revendiquent sur leur site, « un travail réalisé avec ‘amour’ ». Ah l’amour ! Pourquoi n’irait-on pas le chercher en littérature quand on ne le trouve pas dans la vie ? Pour combler toutes les déçues de la Saint-Valentin ou les couples chrysalides du moment, Balzac Paris a planché sur un quiz littéraire, qui nous propose de dresser le portrait-robot de notre couple idéal. Sommes-nous plutôt Simone de Beauvoir/Jean-Paul Sartre, Honoré & Frances ou Alfred & Georges ?

Pour ma part, je serais plutôt Franny and Zooey, mais c’est un détail.

Après avoir fait le quizz, jetons un coup d’œil du côté de la fabrication : «  Pour Victorien, Charles et moi-même, un beau produit, c’est un produit bien fait, honnête et intelligent. Nous voulons nos accessoires Balzac Paris 100% français. Il sont donc confectionnés par Clémentine à Lille dans son atelier ». Deuxième bonne raison de parler d’une marque qui revitalise une région historiquement réputée pour son industrie textile.

Chauvins, nous ? Vous n’avez encore rien vu, car je vais maintenant vous parler de La Comédie Humaine, autre petite marque parisienne qui monte.

La Comédie Humaine, nouvelle marque de prêt-à-porter masculin, tient – au niveau littéraire – davantage ses promesses en proposant régulièrement une critique de livre sur leur site de vente, manière élégante de signer leur engagement littéraire.

30Ouverte le 30 mai 2012, le design de la boutique et des vêtements est également inspiré de l’univers de Balzac. Les chemises qu’on y propose comportent d’ailleurs plusieurs cols pour passer sans dommage d’une conquête à l’autre. Commercialisé sous le titre de « kit de l’infidèle », la chemise phare de la collection consacre bien la misogynie du vénérable ancêtre, nous faisant presque regretter que de si jeunes créateurs soient aussi vieux jeu. Mais ne boudons pas notre plaisir, l’élégance de la boutique et la promotion affichée du livre valent bien ce détour par un travers si français: la promotion d’une sexualité masculine prétendument débridée. Mention spéciale à la revendication de la date de création « Paris, 1842 », date du portrait en daguerréotype d’Honoré de Balzac réalisé par Louis-Auguste Bisson, et décliné sur les visuels de la marque. Un trait d’humour bienvenu face aux groupes de luxe qui ressuscitent des marques oubliées à grand renfort d’archives aléatoires au nom du Vintage.

L’écriture serait-elle le dernier luxe d’aujourd’hui (à l’heure des générateurs automatiques de textes)? Et, à quand l’exposition d’un écrivain dans une boutique ?

L’idée n’est pas neuve puisqu’elle avait été ironiquement défendue en son temps par Octave Mirbeau lors de l’Exposition Universelle.

En attendant, consommer littéraire, c’est déjà mieux que de laisser son cerveau au vestiaire.

Danièle Pétrès

 

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