« Prends ces mots dans tes mains et vois comme ils sont faits » écrit Raymond Queneau dans le sonnet « La chair chaude des mots ». En atelier on évoque souvent la matérialité des mots (et pas seulement quand on accompagne l’écriture poétique).
Les mots ne sont pas simplement porteurs de sens. D’abord, ils se font entendre. Ils ne raisonnent pas, ils résonnent. Certains chantent ou bien piaillent, d’autres grincent ou encore couinent. Et puis, il y a ceux qui hurlent… « Et sens leur cœur qui bat comme celui du chien » ajoute Queneau.
« Ce n’est pas avec des idées qu’on fait un poème, c’est avec des mots. » écrit Mallarmé à Degas. L’écrivain-artisan façonne son texte avec des mots-sons, des mot-ifs qu’il associe. Dans son poème « Mot-macumba », Aimé Césaire évoque la puissance des mots : « Il y a des mots bâton-de-nage pour écarter les squales ». Et c’est vrai que certains mots émergent avec force à la lecture des textes de premier jet. Ils scintillent. D’autres font l’objet d’une recherche méticuleuse quand on retravaille un texte, il s’agit alors de trouver le mot juste. Un texte se polit avec des mots choisis et assemblés patiemment.
Par où commencer quand on se lance dans l’écriture ? Par un mot ! Un seul mot. Prenez-le entre vos mains pour essayer de déterminer dans quelle contrée il vous emmène, quels univers il ouvre, quelles images il fait apparaître… Décomposez-le pour écouter sa mélodie. Comment tinte-t-il ? A quelles sonorités renvoie-t-il ? « J’aimais bien cette idée qu’aucun mot ne soit monosémique et qu’il y a toujours une deuxième couche derrière. Vermeil, merveilleux » dit ainsi Hervé Le Tellier*.
Quel mot me direz-vous ? Ce peut être un mot que vous avez entendu dans la journée et qui vous trotte dans la tête ou un mot oublié qui ressurgit du passé. Vous pouvez aussi jouer avec le hasard et la contrainte comme le recommanderait le Président de l’OULIPO précédemment cité et piocher un mot dans le dictionnaire ou aller cherche un mot qui apparait page 273 à la troisième ligne du roman que vous êtes en train de lire (Par exemple, « résine » s’impose dans Soyez imprudents les enfants de Véronique Ovaldé).
Si vous voulez écrire, suivez le conseil du poète : Prenez un mot dans vos mains et commencez !
Camille Berta
Pour vous aider à instaurer des routines d’écriture, il y a « l’atelier régulier », une rencontre chaque semaine autour de l’écriture.
*Hervé Le Tellier – Bookmakers, Arte radio



