A consommer sur place: Le Syndrome de la Chouquette

En cas de déprime passagère, dans le métro ou dans son lit un dimanche matin, « Le Syndrome de la chouquette » est le remède à tous les maux. Issu d’une série de chroniques tenues dans le supplément du magazine M Le Monde par Nicolas Santolaria, ces textes ont été rassemblés par Anamosa, toute jeune maison d’édition, qui met en avant des textes où l’humour est roi.

Ces chroniques de la mutation annoncée d’un travail salarié (ou non), envisagent toutes les illusions d’un monde du travail moderne sous un jour peu flatteur: « Des cadres pas vraiment bilingues », « Les manipulations douces de l’entreprise libérée », « La hiérarchie du baby-foot », « Requiem pour le costume-cravate », etc. Même si ces cinquante chroniques ont été écrites pour un journal, il est surprenant de découvrir qu’elles forment une fois assemblées une sorte de roman hilarant du monde du travail, tant leur style est travaillé, et leurs thèmes, inépuisables.

Saupoudrée d’études sociologiques, le décryptage forcené de la plus petite parcelle de signifiant de la vie de bureau emporte tout sur son passage en suscitant un rire jubilatoire.

Extrait: Plus de cloisons mais des idées

« Au tournant des années 2000, l’entreprise s’est orientée vers un nouveau credo  : la créativité. Alors que l’ancien exécutant monocolore était soudain invité à mettre  en avant sa passion pour la salsa et les tee-shirts à message, le décor de nos journées de labeur s’est lui aussi transformé, figurant un étrange mélange entre le squat berlinois et la start-up californienne.

Premières victimes, les cloisons. Sans que l’on sache si elles ont eu droit à un procès équitable, elles ont toutes été abattues pour favoriser  la circulation des idées. Du coup, tout ce qui s’y adossait a aussi été rayé de la carte. Là où trônaient des étagères de classement si froides qu’elles auraient pu accueillir les fiches de la Stasi, on trouve désormais une table de ping-pong, un vélo à pignon fixe négligemment garé et des cactus en pot. Métaphore d’une condition économique où l’on doit tirer un maximum de profit de ressources raréfiées, ce concurrent épineux du yucca se marie très bien avec les nouveaux bureaux en bois brut et a cet avantage de vous catapulter.

Ah j’oubliais ! Au cœur de cette galaxie professionnelle reconfigurée, il y a l’immanquable combo de canapés dépareillés. Alangui là en quête de concepts disruptifs (ou digérant son burger de midi, au choix), le salarié lève les yeux et constate que tous les faux plafonds ont disparu. Gaines d’aération et câbles électriques courent désormais en toute liberté sous un ciel de béton brut, donnant au lieu des allures de centre d’art contemporain. L’éviction du faux plafond n’est pas un détail. Il marquait une délimitation de l’espace productif, figurait un dedans et un dehors. Aujourd’hui, l’exposition des systèmes fonctionnels fait  disparaître l’hypothèse même d’un hors-champ, participant d’une mise en scène transparente et organique de l’entreprise ». NB  : N’oubliez pas d’arroser les cactus de temps en temps (lien de la suite de cette chronique sur le journal Le Monde).

A découvrir sans tarder, ce livre qui vous fera passer un bel été ou vous permettra de regarder la vie de bureau sous un nouvel oeil.

DP

Nicolas Santolaria « Le syndrome de la chouquette » (Editions Anamosa)

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