Adeline Lamberbourg – La réunion de rentrée

En réponse à la proposition d’écriture de Laurence Faure à partir de « Premier Sang » d’Amélie Nothomb, nous avons sélectionné 8 textes parmi ceux des participants. Voici celui d’Adeline Lamberbourg.

La réunion de rentrée

« Bonjour ! » lancé-je à la cantonade. Pas de réaction ; mon bonjour tombe par terre, trente centimètres devant mes pieds. Je progresse vers la tribune, une simple table censée matérialiser la différence fondamentale d’essence entre moi, représentante du peuple, et ledit peuple en sa déclinaison municipale, clairsemé à travers une forêt de chaises. Les appariteurs de la mairie ont voulu trop bien faire, ou alors ils ont trop cru en moi, ou alors ils ne se sont posé aucune question.

Mes talons émettent un son sec au contact du vénérable plancher de chêne, impeccablement ciré. Je jette des regards de biche apeurée alentours, espérant qu’il rencontre celui, encourageant, d’un visage ami. La présidente d’un gros club de judo a perçu mon trouble, elle vient à ma rencontre et me salue chaleureusement. J’imagine qu’elle ne s’y prend pas autrement quand elle réconforte le marmot de 4 ans qui participe à son premier cours : on l’encourage en lui faisant croire qu’il est grand. Je la gratifie en retour d’un large sourire où l’on distingue toutes mes dents jusqu’aux molaires. Tandis que j’écoute attentivement mon interlocutrice, je jette des coups d’oeil de droite et de gauche pour voir si le public a remarqué ma nouvelle autorité, faite d’une assurance tranquille assortie d’une grande magnanimité. Puis, regardant ma montre – car la ponctualité est l’une des premières vertus d’un édile – je prends congé de ma présidente et reprends ma progression vers la table, où m’attend mon assistant occupé à tripoter les micros. Sur l’écran blanc, le PowerPoint donne le ton :

« Réunion de rentrée des associations sportives » ; mon nom et ma fonction s’affichent crânement en sous-titre. Je touche presque au but quand je sens une serre agripper mon bras.

Au bout de la main, un visage entre deux âges me scrute avec avidité. « Vous êtes la secrétaire du maire ? Non parce que ça fait trois semaines que j’ai déposé une demande de logement, j’ai toujours pas de réponse. Vous pouvez lui dire ? »