« Mourir peut attendre » et « L’émotion d’un instant

Il y a trois semaines, Arlette Mondon-Neycensas vous a proposé d’écrire à partir de Yoga d’Emmanuel Carrère (P.O.L. 2020) sur notre plateforme Teams. Voici deux des textes choisis par notre comité de lecture. Voir la sélection complète ici.
Didier Labbe

Mourir peut attendre

J’ai 15 ans et je vais mourir.

Juste une certitude.

Le mois de juillet s’écoule avec lenteur et langueur et chaque jour qui passe, ressemble au précédent.

Immuable rituel.

D’abord cette angoisse écrasante qui me réveille et m’empêche de respirer. Angoisse de mourir et de disparaitre sans avoir vécu

Et puis, au fil des heures, la panique laisse place au désespoir lourd et sourd à toute raison.

Pourquoi?

Les bruits de la rue me parviennent. Un ballon claque sur le mur de l’immeuble, des cris d’allégresse soulignent l’exploit réalisé. Rapidement le ballon repart traqué par les « ici! la passe! Démarque-toi, frappe… »

Agitation inutile, je referme la fenêtre.

Plus tard, l’ennui m’envahit. Je jette un oeil au livre abandonné au sol, à peine ouvert et déjà refermé.

Le soir arrive avec son cortège de sentiments enténébrés: Conscience de ma mort, effroi fugace de la scie sur mon sternum lors d’une autopsie ou la tristesse de ma mère devant mon corps.

Par la fenêtre je vois s’étaler sous un ciel bistre et menaçant, cette ville qui me survivra. Tous me survivront.

L’orage éclate et je remonte brutalement à la réalité. Une clé s’active dans la porte d’entrée, un rai de lumière m’informe que ma mère revient de son travail.

« Ton frère a appelé. Ils partent demain en Espagne pour deux semaines. Ils te proposent de les accompagner. Ça te fera du bien de sortir de cette chambre»

Une chaleur monte en moi. Est)ce la lueur que j’attendais? « 15 ans, c’est pas un âge pour mourir ! » Mourir peut attendre.

 

Maria Lafourcade

L’émotion d’un instant

J’étais comme un Robinson perdue sur une ile où j’avais tout à portée de main sans savoir trouver ce qui m’étais nécessaire pour partir à l’aventure.

Mon envie longtemps refrénée par un manque total de confiance en moi, ne demandait qu’à sortir de mon corps ou plutôt les mots avaient besoin de sortir de mon cœur où ils étouffaient.

Une vraie lutte intérieure où je ne trouvais pas la solution .je me sentais abandonnée, sentiment désagréable qui vous colle à chaque pore de votre peau pour vous empêcher de respirer, sous le soleil, une vraie tempête.

Je garde ma vie intérieure secrète ne laissant apparaitre que des miettes à ceux qui me connaissent bien, c’est-à-dire presque personne.

Je ressentais au plus profond de moi comme une injustice, le poids d’une lutte inégale contre un ennemi forcément plus fort, sur le fait je ne cherchais pas à lutter, vieil héritage d’une enfance dégradée où j’essayais de recoller les morceaux tant bien que mal, plutôt pas mal, ça peut toujours être pire.

La liberté et son lot de clés pour s’échapper arrive parfois au détour d’un chemin inattendu sur une petite carte pleine de promesses d’un atelier d’écriture.

Lieu béni du dieu des mots où chaque élément joue à trouver sa place.

Lieu magique où se mêlent, se démêlent, mais surtout où se délient les mots.

J’ai senti mon corps de nouveau s’envahir de cette joie infinie où le soleil rencontre la lune ou la vie semble plus folle, plus rien ne peut vous atteindre. j’ai retrouvé le sentiment de force intérieure qui m’avait tant manqué, celui qui vous permet de croire que tout est possible, le sourire et le regard porté sur les autres n’a pas la même saveur.

Tout est joie même la pire difficulté au travail, je suis dans ce souffle de vie qui fait avancer et de nouveau croire que tout est possible.

 

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