Vos textes « Première séance »

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Crédits photographiques: Betweeners

Vous avez été nombreux à rebondir sur notre appel à textes « La première séance » et nous vous en remercions ! Voici le premier que nous faisons paraître, écrit par Martine Roux, intervenante musicale en milieu scolaire s’est lancée dans l’aventure littéraire en 2001 avec un album pour enfants «Le rêve enchanté» (éd. Tarmeye).

Rappel de l’appel à texte

Il y a toujours une première fois. La première fois que vous êtes entrés à
l¹école, la première fois que vous avez mis du rouge à lèvre ou du parfum,
la première que vous avez pris l¹avion… Dans cette rubrique nous
traiterons  des premières fois qui nous tiennent le plus à coeur, le
premier baiser par exemple, mais de la première séance en atelier. Que vous
soyez animateur ou participant, cette première fois a fait battre votre
coeur. Racontez-nous en 4000 signes maximum!

Martine Roux

Version familiale

Ma première journée d’école. J’avais presque six ans. Entrée au cours préparatoire de l’école élémentaire. Saint–Etienne dans la Loire. Je n’étais jamais allée en maternelle. Maman et moi on y accompagnait mon petit frère Gil. Lui ne pleurait pas. Il avait un air endormi et non concerné par l’événement. Pas même jaloux que moi je reste seule avec maman.

Maman avait fait une tentative en « Grande Section » à l’époque où Gil entrait en première année. En vain… j’avais hurlé et elle avait cédé. Version familiale. Mon frère n’avait rien exprimé et il avait ainsi commencé une scolarité « normale ».

Devant l’école grise je suis accrochée à la main de ma mère.  De son autre main, elle tient mon cartable neuf. Autour de nous plus personne ou peut-être quelques femmes qui discutent. Des mamans dont les enfants sont déjà dans les rangs. Dans la cour de l’école.

Une sonnette retentit et une dame à l’accueil qui se tient devant le portail nous fait signe de nous presser. Ni maman ni moi ne bougeons. La dame s’approche. Maman desserre la main. Je sens mes doigts engourdis. Je veux obéir à la dame qui me parle d’une voix douce. La main de maman exerce à nouveau une pression. Alors je m’accroche à  nouveau. Il n’y a aucune parole entre ma mère et moi. La dame s’agace. Je vois sa bouche qui s’ouvre mais je n’entends plus les mots.

Ce que j’entends est à l’intérieur de moi. Comme un cordon téléphonique entre ma mère et moi. Le message est clair et extrêmement angoissant.

La dame me prend par le bras et tente de me dégager de maman. Maman me tient fort.

Et… je ne me souviens plus.

Maman m’a raconté que je me suis mise à crier. Comme lors de la tentative en maternelle. Puis la dame de l’accueil a obligé maman à « m’abandonner ». Et elle m’a traînée jusque dans la cour. Interdisant l’accès  de l’école à ma mère. Qui pleurait.

Maman est rentrée à la maison le cœur en « miettes ». Une école inhumaine envers les mères dévouées. Version familiale.

Ma première journée à l’école. Aucun souvenir précis. Comme un trou noir terrifiant.

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Martine R. Garnier intervenante musicale en milieu scolaire s’est lancée dans l’aventure littéraire en 2001 avec un album pour enfants «Le rêve enchanté» (éd. Tarmeye).

Après une formation complète à ALEPH elle publie en 2013 avec deux compagnons d’écriture des textes et nouvelles qui nous emmènent dans un monde sombre plein d’imagination où l’enfance occupe une place de choix « Fragments 3D » (éd. Alter éditions).

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