Enquête d’identité au Musée de l’Immigration

Mondes tziganes, la fabrique des images

L’exposition que consacre le Musée de l’Immigration aux Mondes Tziganes retrace ces modes de vies nomades à travers des documents d’archives et des photographies contemporaines.

La fabrique des images, le sous-titre de l’exposition, vise à montrer la construction des stéréotypes dont ces communautés ont souvent été victime.

« À la croisée des routes et aux coins des rues, les photographes ont reproduit à l’infini les préjugés qui s’attachent à ces populations. Citoyens de France ou d’autres pays, ils restent sans cesse perçus comme étrangers ».

Si au début du XXe siècle, l’édition de cartes postales nourrit une imagerie pittoresque de montreurs d’ours, liseuses de lignes de la main, musiciens ou chaudronniers ambulants, dont on peut découvrir de nombreux exemples, se développe également le carnet anthropométrique pour contrôler les mouvements de cette communauté voyageuse.

Pour le Commissaire de l’exposition « par la photographie, journalistes, savants et experts tentèrent de cerner l’identité réputée insaisissable de cette « nation errante ». Les politiques d’État inventèrent d’immenses fichiers d’images conçues pour fixer et contrôler ceux que personne ne voulait accueillir. Ces traces photographiques témoignent toutefois des effets douloureux d’une persécution, encore amplifiée durant les guerres mondiales ».

L’obligation de posséder un titre d’identité qu’on doit pouvoir présenter à tout moment, est une pratique qui remonte en France à 1921. Pour les « Gens du voyage » cette pièce d’identité est antérieure et s’est transformée en fichage, avec une photo de face et de profil, avec obligation de posséder un « Carnet nomade », individuel ou collectif. La loi du 16 juillet 1912 impose ce carnet anthropométrique à tous, réduisant les individus à des catégories. Perçue comme étrangère, donc suspecte, cette population errante est assimilée à des criminels et se retrouve rejetée par la société.

Photographies de police judiciaire de M. Lopez, réalisées en 1908.

Archives nationales, service central photographique du ministère de l’Intérieur, Reproduction Nicolas Dion/Pôle Image

Durant la seconde guerre mondiale, de 1942 à 1944, le régime de Vichy organise, dans le delta du Rhône, un camp de détention (d’internement) pour les Gitans, Tsiganes et Roms. Celui-ci est la conséquence d’un décret du 6 avril 1940, prohibant la circulation des « nomades et des bohémiens » pendant toute la durée de la guerre et les « assignant à résidence ». C’est le mérite de cette exposition que de révéler l’existence de ces camps oubliés par l’histoire de France.

Dans les années 1950 l’habitat évolue, les caravanes et les camping car remplacent les roulottes traditionnelles. Même si roulottes et caravanes donnent l’image d’un peuple nomade, certaines communautés sont installées dans les mêmes villages depuis des siècles. C’est aussi l’interdiction de stationner qui les oblige à circuler : plusieurs villes plantent un panneau d’interdiction à l’entrée de la commune. En 1990, la loi Besson impose aux villes de prévoir une aire de stationnement pour « les gens du voyages », ce qui crée finalement des zones de relégation puis d’exclusion.

La seconde partie de l’exposition met en lumière Les Gorgan, la famille arlésienne qu’a suivi le photographe Mathieu Pernot pendant 20 ans. Du 13 mars au 26 août 2018. Alors  étudiant à l’école de photographie à Arles, il réalise des prises de vues la famille Gorgan depuis 1995 : « Je les voyais trainer en ville, j’ai eu envie de les rencontrer. Il y avait l’idée de faire connaissance comme ça, je ne voulais pas faire croire à une fausse proximité… Là on parle d’une photo mais pour moi ce qui fait la force de ce travail c’est l’ensemble sur vingt ans ».

Photo: Mathieu Pernot (Les Gorgan)

Une exposition qui pose un nouveau regard sur les Tziganes, en donnant des éléments de compréhension d’une discrimination toujours présente, de la photographie d’identité à la ré-appropriation de l’individu et de son image par la photographie contemporaine.

DP

Musée de l’Immigration

Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil
75012 Paris

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