J’ai testé « L’atelier Ouvert » en librairie

Ça se passe à la librairie Le Rideau Rouge, dans le 18ème, à Paris. Elle a une voix posée, grave et calme. Solange, qui anime l’atelier d’écriture, nous accueille comme si nous étions des amis de toujours et nous invite à prendre place. Une chaise. Un bloc. Un stylo. On n’a pas à se présenter. D’abord elle nous parle du livre qui a inspiré sa proposition d’écriture pour cette séance de deux heures d’atelier au Rideau Rouge. Il s’agit d’un premier roman « Ma Reine » de Jean-Baptiste Andrea (Éditions l’Iconoclaste). Sorti en septembre, il a déjà eu plusieurs prix. Elle nous le raconte avec patience et délectation. Shell est un adolescent pas comme les autres qui vit dans une station-service. Un jour où il manque de mettre le feu à la garrigue, ses parents décident de l’envoyer dans une institution. Il décide alors de « devenir un homme », et d’aller faire la guerre, sur le plateau. Mais là-haut pas de guerre, seuls le silence, les odeurs du maquis, et sa rencontre avec une fille, comme lui restée en enfance. On écoute, on s’imprègne. Solange nous en lit plusieurs extraits.
J’ai voulu la pluie. Je l’ai tant voulue que quand elle est venue, je ne savais plus comment l’arrêter. C’était une grosse pluie rose, vert, bleu, elle prenait la couleur d’un rien. Elle assommait les oiseaux. Il a plu comme ça pendant je ne sais pas combien de temps. Les vieux disaient qu’ils n’avaient jamais vu ça. Ils parlaient de leurs ancêtres et de Dieu et du ciel et de tout sauf de la raison de la pluie : moi.
Immersion sur le plateau provençal. La cabane dans l’arbre. La bergerie sur la route à prendre. L’atmosphère est là, le cadre est posé, insensiblement nous en venons à la proposition d’écriture : « Et vous, si vous deviez écrire un court récit avec une voix d’enfant, une situation avec un ami imaginaire ou réel , où ils s’inventent un monde ? ». « Allez-y. Vous avez vingt minutes. Ensuite chacun lira son texte. On est nombreux, donc ce sera le temps qu’on aura cette fois ». On s’y met immédiatement. Contre toute attente on le fait. Est-ce que les mots attendaient là, bien en ordre dès lors qu’on leur demanderait d’habiter la page blanche ? On ne sait pas c’est difficile à comprendre. Il ne faut pas chercher. Vingt minutes c’est déjà fini. On aurait pu aller plus loin mais le stylo s’arrête à l’heure dite et au dernier mot. Mentalement la main s’est calibrée à la vitesse des minutes à parcourir pour arriver jusqu’à la fin. On lève la tête, on se réjouit. On l’a fait. On a écrit à ceux qui sont là un petit bout de texte qui ne demande qu’à être lu même si on ne connaît personne et surtout pour ça. L’humanité frère-sœur. L’univers de l’adversité de l’écriture hors les murs de soi. On écrit toujours pour partager. Exister. Les autres ne sont jamais loin. Là ils sont coudes à coudes, pourquoi pas. Il y aura des réponses bienveillantes, des commentaires touchants, des correspondances. Parfois l’émotion d’un texte lu nous prendra. Oui c’était exactement ça. Oui c’est comme ça qu’il aurait fallu le dire. Une heure plus tard on aura tous l’impression de se connaitre. Certains iront prendre un verre d’autres pas. On continuera à écrire l’histoire, sûrement, chacun à la maison. Avant de partir, on peut poser des questions. La mienne est simple : comment se fait-il qu’en vingt minutes on arrive à écrire un texte qu’on va lire devant plus de 10 personnes alors que chez soi ça fait des plombes qu’on n’arrive pas à écrire une ligne ? Solange répond… « C’est le mystère des ateliers. La magie ». Ce mystère de l’urgence du moment, et l’apnée interrompue du désir d’écrire. L’atelier est en apesanteur. Ni père ni mère, ni famille ni amis. Un territoire vierge, protégé, vivant. Une chambre à soi. Prochains ateliers à Paris: ici
Vous pourrez retrouver le programme des prochains ateliers d’écriture ouverts, organisés par Aleph en librairie à Lyon, La Rochelle et Bordeaux ici Installée depuis le 2 Juin 2012 au 42 rue de Torcy, la librairie Le Rideau Rouge présente sur 70m2 10 000 références.

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