Bertrand Kern, maire de Pantin, vient de rebaptiser pour une durée d’un an sa ville en la féminisant d’un « e ». Le maire entend faire œuvre d’engagement pour Pantin en faveur de « l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Si cette initiative non dénuée d’humour en agace certains, force est de constater que les actions en faveur de l’égalité hommes-femmes, en dépit des annonces politiques successives, sont rarement suivies d’effet fautes de dotations financières suffisantes. Rappelons ici qu’une femme meure tous les trois jours encore en France sous les coups de son conjoint, ex-conjoint ou amant, quand l’Espagne a pris des dispositions coercitives et fait baisser de 24% le nombre de ses féminicides. Il apparaît donc que l’action de sensibilisation du maire de Pantin est loin d’être anecdotique.

En féminisant le nom de sa ville, le maire lance une campagne pour contrer l’invisibilisation de la femme dans l’espace public; tout en mettant l’accent sur une langue française genrée. Alors que les tentatives de féminisation des noms de métiers, et la mise en place de l’orthographe inclusive peinent à faire l’unanimité, rappelons tout de même que la langue française a pour spécificité de distinguer, dans sa grammaire, le féminin du masculin. On peut se désoler que le « masculin l’emporte toujours sur le féminin », ou simplement constater que la langue est le reflet de pratiques sociétales issues du patriarcat.

Dans la langue française la voyelle « e » est omniprésente, et détermine le féminin en fin d’adjectif par exemple, mais le « e » est souvent muet (le « e » blanc de Rimbaud). Et si ce « e », est souvent muet, c’est en effet qu’il l’est dans la réalité quotidienne des femmes. Celles-ci prennent rarement la parole pour ne rien dire (au travail notamment), à la différence des hommes, encouragés à le faire dès l’enfance pour occuper l’espace public. Jamais un homme n’hésite à accepter un poste à responsabilité même s’il n’en a pas les compétences, tandis que chacun sait que les femmes hésitent à occuper des postes de pouvoir parce qu’elles ne se sentent pas légitimes.

Le combat pour la fin de l’invisibilisation des femmes, y compris par elles-mêmes est immense, mais saluons l’initiative du maire de Pantin, qui nous rappelle le pouvoir des mots comme outils de changement. Il n‘est donc pas étrange que ce soit un élu de la République qui nous rappelle que la langue est le fondement de notre capacité à faire nation. Hommes et femmes, à égalité de droits.

Danièle Pétrès

Rédactrice en chef

Pour aller plus loin, lire l’article : langue genrée et employabilité

Statistiques : Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes – HCE