Claire Blanchard-Thomasset : « Fenêtre ou couloir »

Claire Blanchard-Thomasset a suivi un parcours de formation à Aleph puis été animatrice durant 6 ans. Elle a obtenu le Prix Prométhée de la Nouvelle pour son recueil « Femmes d’attente » (Ed. du Rocher), puis écrit un recueil de fragments « À l’Etouffée » (éditions L’Iroli). Présente à L’Autre Salon du Livre qui s’est tenu ce week-end à Paris, elle y dédicaçait son dernier recueil de nouvelles « Fenêtre ou couloir » paru aux éditions Quadrature (un éditeur belge qui ne publie que des nouvelles). Nous l’avons rencontrée.

L’Inventoire : Pourquoi écrire des nouvelles plutôt qu’un roman ?

Claire Blanchard-Thomasset : Je ne crois pas que ce soit vraiment un choix. C’est plutôt ça que j’ai à écrire. D’abord, j’en lis depuis toujours. Annie Saumont a été ma grande école, mais je lis bien sûr des romans en tant que lectrice. J’aime le bref et le long, mais en ce qui concerne l’écriture, la nouvelle est la forme que prend cette nécessité-là, par une forme brève. Elle l’est même parfois davantage puisque j’ai écrit des choses encore plus courtes comme des fragments.

Comment pensez-vous le recueil ? Est-ce que vous y réfléchissez dès le départ ?

Non, pas du tout. Pour mes deux recueils, j’ai commencé par écrire les nouvelles. Puis je les ai fais lire, car j’ai des lecteurs, des lectrices, connus à Aleph et qui me font des retours. Avant d’être animatrice j’ai été « animée » moi-même, j’ai fait plein de stages, ce qui m’a donné les autorisations pour écrire, que je n’avais pas naturellement. Aleph a été le moteur.

Vous écrivez d’abord.

J’écris un certain nombre de textes. Je les fais lire et là en tout cas pour celui-ci, même si je savais que je tournais autour de quelque chose, je ne me rendais pas bien compte autour de quoi. Et puis, les copines m’ont dit, il est question de place. La place qu’on occupe dans le travail, dans la famille, dans le couple. La place et le choix. Ensuite, consciemment, j’ai complété ce recueil avec des nouvelles plus signifiantes autour de ce thème, mais le corps était là. Il s’est fait assez spontanément. De fait les nouvelles parlaient de gens qui ne sont jamais à leur place. Toujours entre deux chaises. Comme moi… Sauf que ces personnages sont très différents. Il y a des jeunes, des vieux, des enfants, des femmes, des hommes. J’aime bien aller rencontrer des personnages très différents les uns des autres dans des moments de leurs vies qui ne sont pas faciles… Des moments de choix.

Ce sont souvent plutôt des nouvelles de fiction ou cela part de choses vécues ?

Un mélange. C’est une phrase que j’attrape. J’entends quelque chose et cela va être soit la dernière phrase, soit la première. Et cela devient mon fil. Ou encore c’est une image, mais après elle va rejoindre des émotions que j’ai vécues, ce ne sont pas forcément des faits. Il y a une réalité dans les émotions pour tous les personnages.

Quand savez-vous qu’un recueil est terminé, comme on dit qu’un roman est terminé ? Qu’est-ce qui fait qu’on l’envoie à l’éditeur ?

En proportion, déjà j’enlève beaucoup de nouvelles. Il y a celles qui restent et qui forment un peu comme un miroir à facettes du même sujet, dont les histoires sont suffisamment différentes les unes des autres pour qu’il n’y ait pas de redites. Parfois, je me suis rendu compte que j’avais écrit trois fois la même histoire par exemple, avec des personnages différents. Cela fait partie du travail d’élagage qu’on apprend à faire avec un peu de pratique.

Comment vous avez trouvé le titre ?

À partir du moment où la question de la place est devenue visible, m’est venue cette nouvelle emblématique de la place qu’on choisit dans le train « Fenêtre ou couloir », donc je l’ai écrite. Dans cette nouvelle, on choisit une place, puis l’autre, mais aucune d’elle n’est parfaite … C’est une nouvelle emblématique du thème et parfois des choix à faire dans l’existence.

Ça reste un peu dans le même univers que les titres d’Annie Saumont, un titre d’atmosphère comme « Court, sans sucre », qui fait appel à l’inconscient du lecteur qui poursuit dans sa tête ce que ça lui évoque.

Oui, peut-être… Elle a été pour moi un auteur inspirant en tous cas ! Il y en a d’autres. J’ai lu récemment des nouvelles d’Arnaud Cathrine, et j’ai beaucoup aimé celles de Marie-Hélène Laffon. J’aime sa voix à travers ses nouvelles.

Je lis aussi des nouvelles d’auteurs moins connus et non moins intéressants. Quadrature, mon éditeur belge pour « Fenêtre ou couloir », ne publie que des nouvelles : un pari audacieux dans un paysage éditorial qui la néglige un peu ! Je découvre avec Quadrature toute une palette de styles de nouvelles, d’écritures et de voix.

Quand vous parlez de voix (vous avez une voix bien placée et ample), faites-vous du chant ?

J’ai fait du chant lyrique des années. Mais c’est la voix parlée aussi qui m’intéresse. Je suis très sensible aux voix, depuis toujours je trouve que la personne c’est la voix. C’est le timbre, la tessiture le phrasé, les intonations, les accents.

« Une nouvelle c’est un mot »

Qu’est-ce qui vous donne l’impulsion d’écrire ?

La nécessité. Mais par période parce que j’ai des grands blancs. J’ai toujours un carnet avec moi. Et souvent c’est juste un mot ! Une nouvelle c’est un mot. Ou deux mots. Puis j’ai cette chose qui m’obsède. Une voix que j’ai entendue.

Vous écrivez actuellement un 3ème recueil de nouvelles ?

Non, pour l’instant je suis sur des textes encore plus courts, plutôt de la micro nouvelle finalement. Voilà pourquoi je dis que je ne choisis pas.

Au début, j’ai commencé à écrire sur cet autre thème qui m’intéresse depuis des années, autour de la voix, de la voix parlée. J’ai commencé par écrire des nouvelles, ça n’allait pas et en fait ce sont des textes courts qui s’imposent. Je ne sais pas ce que ça donnera. La forme s’impose, et je dispose.

DP

 

Claire Blanchard-Thomasset vit en région parisienne. Tour à tour professeure de français, bibliothécaire et formatrice en écriture, elle navigue depuis toujours entre littérature et transmission. Elle a obtenu le Prix Prométhée de la Nouvelle pour son recueil Femmes d’attente (Ed. du Rocher).

4ème de couverture « Fenêtre ou couloir », Editions Quadrature

« Elle avait déjà décidé, c’est là qu’elle s’installerait. Elle avait retrouvé la vue, elle avait un horizon. Tout à coup, elle respirait mieux. L’air d’ici, elle le sentait, serait vivifiant. Elle serait bien dans cet appartement. De son cinquième étage, elle surplomberait les tracas, regarderait de haut ses chagrins. »

Fenêtre ou couloir ? Contrairement à ce que proposent les compagnies ferroviaires, les choix sont nombreux, changeants et nuancés. Les personnages des dix-neuf nouvelles de ce recueil vivent tous des situations qui questionnent leur place, au sein du couple, de la famille, au travail, ou vis-à-vis d’eux-mêmes : place à trouver, à retrouver, à conquérir, à garder, à ajuster, à accepter ou à quitter.

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