Écrire à partir de « La femme aux cheveux roux » d’Orhan Pamuk

Pour ce cinquième rendez-vous de L’Inventoire sur notre plateforme, Sylvette Labat vous propose d’écrire à partir de La femme aux cheveux roux d’Orhan Pamuk (2016 et Gallimard, 2019).
Envoyez-nous vos textes sur Teams (un feuillet standard ou 1500 signes maxi) jusqu’au 30 mars 2021 ! Vous pourrez y découvrir les textes des autres participants et échanger avec eux ! Une sélection sera ensuite publiée sur l’Inventoire.

Si vous avez déjà participé au précédent atelier, vous êtes déjà invité, sinon inscrivez-vous dès maintenant ici: Bulletin d’inscription sur la plateforme de l’Inventoire. Nous vous remercions d’envoyer uniquement des fichiers Word ou odt, caractère 12, Times, en mentionnant sur le titre du fichier votre nom et le titre de votre texte.

Extraits

« Fais attention » est une phrase qu’il me répétait souvent, que le ton soit à la tendresse ou à l’admonestation. « Un apprenti puisatier étourdi risque d’estropier celui qui est en dessous, son inattention peut tuer. » « Rappelle-toi , tu dois toujours garder l’œil aux aguets et l’oreille tendue vers ce qui se passe au fond du puits », disait-il, et de m’expliquer comment un seau qui s’échappe de son crochet pouvait écraser la personne en contrebas (…) »

« Tandis que d’un bon pas, j’approchais du puits, j’atténuai le bruit de ma respiration. Je désirais ardemment entendre la voix, la plainte de Maître Mahmut. J’imaginais que cet instant n’était qu’un des moments ordinaires que nous avions vécus ce dernier mois. Que le seau n’avait pas basculé, qu’il n’était rien arrivé à Maître Mahmut. Et que je n’aurais qu’à poser le goulot de la bouteille d’eau sur mes lèvres pour entendre monter du puits les rugissements furieux de mon maître.

Mais pas un son n’émanait de la bouche du puits. Seul résonnait le chant des cigales. Le silence générait du remords dans mon âme. J’aperçus la fuite de deux lézardssur le treuil. J’avançai encore d’un pas vers le puits. Mais je fus pris de peur, je ne pus m’approcher davantage pour regarder en bas. Comme si plonger mon regard au fond du puits risquait de me rendre aveugle. »

« Maître Mahmut me racontait des histoires édifiantes, des paraboles tirées du saint Coran pour que j’en tire des leçons. Cela me dérangeait et me troublait. Pour le mettre à son tour mal à l’aise, je lui avais raconté l’histoire du prince Œdipe et, en fin de compte, j’avais agi comme le héros de ce récit. C’est à cause de cela que Maître Mahmut était resté au fond du puits, à cause d’uns histoire, d’une légende. »

« Dans la nuit noire et lugubre d’Öngören, vieux livres, légendes, images anciennes et antiques civilisations luisaient d’un éclat si lointain que je ne compris pas l’affolement de mon épouse. Mais je restai néanmoins un long moment où j’étais. N’entendant toujours rien venir du côté de mon guide Serhat, je commençai à prendre peur. Se pouvait-il que Serhat soit réellement mon fils ? Le silence se prolongeait, je sentais monter la colère contre ce jeune homme qui m’avait oublié ici. »

Proposition d’écriture

Je me suis souvenue de cette pensée de La Fontaine : «  On rencontre sa destinée, Souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter. »

Une autre maxime nous dit aussi : « Nul ne peut échapper à son destin. »

Je vous propose aujourd’hui d’écrire une histoire brève illustrant cette idée, qu’elle soit vraie ou pas, que vous y croyiez ou non, en suivant les étapes suivantes :

  • 1ère étape

Je vous propose dans un premier temps de penser ou d’imaginer un personnage ayant vécu un événement qu’il a cherché à oublier, à fuir et qu’il n’a raconté à personne. Ce n’est pas forcément quelque chose de dramatique ou de violent.

En prenant quelques notes, essayez de déterminer quel est cet événement, dans quelles circonstances il s’est produit et pourquoi il est si important pour le personnage. Mettez-vous dans la tête et dans la peau du personnage.

  • 2ème étape

Toujours en prenant des notes, imaginez comment ce personnage se retrouve un jour confronté à cet événement, dans une situation différente, décalée, inversée peut-être.

  • 3ème étape

Vous allez maintenant raconter cette histoire, de préférence à la première personne du singulier. Vous pouvez nous faire connaître les pensées, sentiments et émotions du personnage.

Vous avez la liberté d’introduire une ellipse temporelle dans ce récit (tout dire n’est pas toujours la meilleure façon de raconter, bien au contraire).

(Vous pouvez aussi, à la fin, donner la parole à un autre personnage ou à un narrateur externe. Le texte passera alors au il ou elle).

Il s’agira de nous faire voir comment ce personnage n’a pu éviter la rencontre avec son destin.

Lecture
  • L’auteur et son œuvre

Orhan Pamuk, né le 7 juin 1952 à Istanbul en Turquie, est un écrivain de langue turque.

Issu d’une famille cultivée de la bourgeoisie stambouliote, Orhan Pamuk envisage d’abord des études de peinture et de journalisme, avant de se consacrer entièrement à la littérature. Son premier roman (Cevdet Bey et ses fils, 1982) s’inspire en partie de son histoire familiale et place au cœur du récit les bouleversements de la Turquie contemporaine et les métamorphoses de sa ville natale, thèmes que l’écrivain n’aura de cesse d’explorer tout au long de son œuvre.

Il passe plusieurs années aux Etats-Unis, comme professeur ou auteur invité.

L’auteur se décrit comme une personne de culture musulmane, engagée au service des droits de l’homme, de la liberté d’expression et du dialogue entre les peuples et qui associe la religion à une identification culturelle et historique sans avoir toutefois de connexions personnelles avec Dieu.

Il est considéré comme contestataire dans son pays, notamment depuis son refus d’accepter le titre d’« artiste d’État » en 1998. Il a souvent dénoncé, dans ses ouvrages et ses articles, les dérives actuelles de son pays (montée de l’islamisme, injustices sociales, manque de liberté d’expression) ce qui en fait un ennemi du pouvoir politique, des conservateurs et des nationalistes. Il a été le premier écrivain du monde musulman à condamner publiquement la fatwa islamique lancée contre Salman Rushdie en 1989. Il reconnaît également dans la presse en 2005 la culpabilité de la Turquie dans les massacres kurdes et le génocide arménien ce qui lui vaut des menaces de mort et une assignation à comparaître devant les tribunaux. Sous la pression internationale, les poursuites sont finalement abandonnées en 2006, année où il se voit décerner le prix Nobel de littérature.

Traduit dans plus de soixante langues, lauréat de nombreux prix littéraires internationaux, Orhan Pamuk est souvent considéré comme l’écrivain turc le plus célèbre dans le monde.

  • Le roman

La 4ème de couverture est la suivante :

« Alors qu’il passe quelques semaines auprès d’un maître puisatier pour gagner un peu d’argent avant d’entrer à l’université, le jeune Cem rencontre une troupe de comédiens ambulants et, parmi eux, une femme à la belle chevelure rousse. Il s’en éprend immédiatement, et, malgré leur différence d’âge, se noue entre eux l’esquisse d’une histoire d’amour. Mais les promesses de l’été sont soudainement balayées lorsque survient un accident sur le chantier du puits. Cem rentre à Istanbul le cœur gros de souvenirs, et n’aura de cesse de tenter d’oublier ce qui s’est passé. C’est sans compter sur la force du destin qui finit toujours par s’imposer aux hommes, et leur rappeler ce qu’ils ont voulu enfouir au plus profond d’eux-mêmes.

Dans ce roman de formation aux allures de fable sociale, Orhan Pamuk tisse à merveille un récit personnel avec l’histoire d’un pays en pleine évolution, et fait magistralement résonner la force des mythes anciens dans la Turquie contemporaine. Avec tendresse et érudition, La Femme aux Cheveux roux, nous interroge sur les choix de l’existence et la place véritable de la liberté. »

La Femme aux cheveux roux comporte trois parties.

Les deux premières racontent les événements, la vie, les pensées, les lectures de Cem, le héros de l’histoire. Dans la première, nous avons le récit de l’été des seize ans du jeune homme, jusqu’à l’accident. Dans la deuxième, nous découvrons comment il a vécu toute sa vie d’adulte, jusqu’au dénouement. Le narrateur est Cem lui-même.

La troisième partie, plus courte, donne la parole à la femme aux cheveux roux, qui fait le lien entre plusieurs des personnages de ce roman. Nous avons son point de vue, des révélations et la fin de l’histoire. La boucle est en quelque sorte bouclée par son intervention.

Orhan Pamuk est un grand conteur. Son livre offre un récit aux multiples strates, qui brasse des thèmes forts : la transmission, la filiation, la culpabilité, le libre arbitre face à un destin aveugle.

Tout commence dans les années 1980, le narrateur, ingénieur géologue devenu un prospère entrepreneur quadragénaire, se souvient de ses seize ans : d’un été qui a tellement compté qu’il est devenu le noeud du reste de sa vie ; un moment qui l’a construit et qu’il a toujours cherché à fuir. Un père absent, un maître puisatier comme figure paternelle de substitution, une terrible erreur, un premier amour en la personne de la femme aux cheveux roux.

Dans ce décor archaïque et sublime, Pamuk, minutieusement, installe les ressorts d’un drame antique. Alors qu’une relation père-fils s’est nouée entre Mahmut et Cem, ce dernier agit un jour d’une manière qu’il se reprochera toute sa vie. « Est-ce que ce qui est dit dans les mythes finit toujours par se produire ? » Comment nos actes pèsent-ils sur nos destins ?

La trouvaille de Pamuk consiste à revisiter ces questions éternelles à la lumière de deux mythes inversés, l’un grec, celui d’Œdipe, l’autre perse, celui de Rostam. Les histoires se répondent mais leurs dénouements s’opposent : dans l’un, c’est le fils qui tue le père, dans l’autre, c’est l’inverse.

Tout cela peut sembler chaotique de prime abord, mais la lecture n’est absolument pas décousue malgré certaines digressions ou ellipses. Au contraire, la femme aux cheveux roux est le fil conducteur, c’est par elle que la révélation ultime arrivera, accompagnée d’une vérité forte.

Le propos se fait philosophique, sur les choix que l’on fait, les conséquences qu’ils entraînent et la façon que l’on a de les affronter ou pas, de les assumer ou pas.

Sylvette Labat a publié un recueil de nouvelles, Les Pétales froissés des coquelicots. Elle propose des ateliers d’écriture en région toulousaine. Pour Aleph-Écriture, elle conduit des modules de la Formation générale à l’écriture littéraire, des stages, des ateliers des ateliers ouverts à la médiathèque Les Granges à Saint Jean (31).

Elle propose le stage d’une journée « Fabuleuses machines » le 20 mars 2021 (écriture du merveilleux et du loufoque), et à partir du 1er  avril : « Écrire un récit à plusieurs voix« .

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