Dans le cadre du Salon du Livre de Montreuil, nous consacrons au mois de décembre et janvier, une série d’articles autour du thème « ÉCRIRE POUR LA JEUNESSE ». Nous avons rencontré Caroline Laffon, auteur, documentariste et réalisatrice, pour nous parler de sa pratique d’écriture.
Interview de Caroline Laffon, réalisée par Marie-Hélène Mas
L’Inventoire : Comment pourrait-on définir la littérature « jeunesse » ? Quelles en sont les spécificités ?
Caroline Laffon: Pour moi il n’y a pas de littérature jeunesse à proprement parler, il y a de la littérature qui s’adresse à des gens d’âges ou de catégories différentes, ça peut être des adultes ou des enfants, tout dépend de ce qu’on a dans la tête, des envies d’histoires et du style qui leur conviendrait le mieux. Un album peut dire autant de choses qu’un roman, c’est juste une question de forme, de ressenti.
L’Inventoire : Qu’est-ce qui vous inspire un sujet ou un personnage ?
Caroline Laffon: Je n’ai jamais d’idée de personnages, vraiment jamais, ce qui m’inspire c’est un univers précis, géographique, matériel, une époque de l’histoire ou quelque chose que je connais mal mais qui m’intrigue Je me documente alors énormément puis l’univers que j’ai choisi se rétrécit et les personnages y trouvent peu à peu leurs places.
L’Inventoire : Quelle est votre méthode d’écriture ? Quelles étapes suivez-vous ?
Caroline Laffon: C’est comme je le disais précédemment l’exploration « totale » d’un univers qui me fascine le plus. Donc je lis des articles documentaires, des romans, des poèmes, des essais de sociologie et d’anthropologie… car j’aime les croisements entre les genres. J’avoue que le processus est assez long mais je crois que c’est ce qui fait qu’un jour on finit par trouver le bon angle et le bon style pour entreprendre l’écriture.
L’Inventoire : Quelles sont les principales différences entre la réalisation d’un livre-documentaire, comme votre dernier ouvrage Le grand livre des costumes pour les 8-10 ans, et l’écriture d’une série comme Katsi pour les plus petits ?
Caroline Laffon: La longueur du texte !!!
Plus sérieusement le livre documentaire demande de très nombreuses recherches pour justement trouver un angle qui ne soit pas trop encyclopédique et qui à sa manière nous raconte aussi des histoires.
Pour les plus petits, je trouve le travail difficile car il faut être juste avec peu de mots. Contrairement à ce que l’on pourrait croire c’est assez long d’écrire des textes d’album.
L’Inventoire : Et quelles similitudes entre les deux ?
Caroline Laffon: La similitude pourrait être la capacité à se surprendre soi-même en tant que le lecteur.
Je ne sais pas s’il y a des similitudes en fait, c’est un travail d’écriture vraiment très différent.
L’Inventoire : Comment gérez-vous une éventuelle collaboration avec l’illustrateur?
Caroline Laffon: Nous choisissons rarement nos collaborateurs que nous ne voyons bien souvent jamais. Nous découvrons même les dessins au moment de la fabrication du livre et son départ à l’impression. En ce moment je travaille avec une talentueuse dessinatrice russe qui habite à New York.
Avec Elise Mansot, avec qui nous créons ensemble des projets comme celui de la collection Katsi. Nous cherchons ensemble des concepts qui nous amuseraient toutes les deux et nous faisons des petits ping-pongs. Nous avons fait beaucoup d’essais d’histoires et de styles de dessins avant que ceux-ci plaisent à un éditeur.
L’Inventoire : Qu’est-ce qui vous paraît essentiel pour réussir cette écriture jeunesse ?
Caroline Laffon: Ne pas penser que l’on écrit pour la jeunesse tout simplement.
Un auteur doit pouvoir écrire des choses protéiformes, de la poésie, du théâtre, des paroles de chanson, un essai et des choses modestes bref il doit surtout construire un univers d’auteur cohérent même si c’est très difficile d’y parvenir. La littérature jeunesse doit être une facette de son travail pour que les genres s’enrichissent mutuellement.
« Le Poney rouge » de Steinbeck ou « l’Appel de la forêt » de London sont des livres magnifiques et je ne pense pas qu’un seul instant leurs auteurs ont imaginé que ce seraient des succès de littérature jeunesse. Ils ont juste fait de la littérature avec leurs talents qui bien sûr étaient immenses.
Hubert Mingarelli est auteur français que j’admire particulièrement, qu’il écrive pour Gallimard jeunesse ou les éditions du Seuil, ses livres restent les mêmes avec une simplicité d’écriture, universels.
L’Inventoire : Quel est votre « truc » à vous ? Le petit secret de fabrication accepteriez-vous de partager avec nos lecteurs ?
Caroline Laffon: Surtout ne pas penser que l’on doit penser comme un enfant, (dont nous n’avons en plus que des souvenirs lointains) en écrivant un livre pour enfant !
M-H. M
Pour illustrer cet entretien, deux ouvrages de Caroline Laffon:
Moi et Toi : Caroline Laffon et Constanza Bravo
Résumé: L’amour n’est pas une question d’âge. On le partage voilà tout. Et quand une petite fille voit sa grand-mère pleurer, elle la prend par la main et lui rappelle leurs rêves à deux et leurs bons souvenirs… Et pour que leur amour dure toujours, la petite fille promet de se marier avec sa grand-mère… car c’est comme ça que se terminent toutes les histoires. Mais surtout il ne faut pas pleurer répète la petite fille… Caroline Laffon et Constanza Bravo nous offrent un album tout en délicatesse pour nous rappeler que les enfants savent aussi consoler les adultes.
La collection Grandir et Compagnie propose aux enfants des petites idées Katsi pour mieux se débrouiller dans leur vie. Un vrai coup de patte d’ami !
Biographie: Caroline Laffon est née à Cayenne, en Guyane, en 1972. Elle a beaucoup voyagé. Elle est l’auteur de nombreux livres sur l’imaginaire et leurs représentations dans les différentes cultures du monde, traduits dans plusieurs langues (allemand, anglais, espagnol, italien, néerlandais, finlandais, suédois, norvégien, chinois et coréen).
Après une licence ès Arts du Spectacle et une maîtrise d’études cinématographiques, Caroline Laffon se consacre à la réalisation de documentaires (la saison des fantômes – 2004, Good Morning – 2007) et à l’écriture de livres pour la jeunesse et de Beaux livres en collaboration avec sa mère, Martine Laffon.
Elle a effectué un atelier d’adaptation de roman pour le cinéma à la FEMIS, pour la radio avec l’ALEPH, pour le théâtre avec l’EAT et appartient au collectif d’auteurs C10 (théâtre et créations sonores). Elle a été lauréate de la Villa Médicis hors les Murs, de la bourse Beaumarchais/ SACD et plus récemment d’une bourse CNL pour son premier roman.