« Les perles en sucre », Ève Deboise

Les perles en sucre

 

Fends ton cœur comme une pomme

Capture les animaux de nuit qui le dévorent

jusqu’à devenir trop petit pour battre

pour se battre

 

Des plantes grimpantes

poussent de tes blessures

L’air empoisonné de l’été

entre par la fenêtre

 

Le front contre l’oreiller

tu attends le train vers nulle part

ta valise à tes pieds

Dedans rien d’utile

un ciel entier plié

lune et étoiles comprises

de la taille d’un mouchoir

Défais le nœud

Tout se déverse

les lumières

les oiseaux

les notes de musique

et le piano entier

et les bouchées de gâteaux

les gros mots

les jurons

les baisers

les crachats

ceux qu’on a fait sur toi

et puis la cendre

 

Il n’y a plus que ça

dans ton bagage

une poussière grise

que le vent refuse de balayer

 

Il la rassemble

dessine un fantôme

qui agrippe tes chevilles

Mais tu prends le dessus

le noie à son tour dans le puits

Tant pis s’il crie s’il cogne

 

On m’a tapé sur la gueule

On m’a couché sur le flanc

Aboie le chien

Et toi la chienne

tu ne dis rien

 

Pourtant tu te souviens

même si longtemps après

ta tête a frappé le plancher

la bosse est encore là

 

Les perles en sucre

de ton bracelet

déjà à moitié croquées

sous le lit ont roulé

Quand la lumière s’éteint

revient le cauchemar

telle une araignée

emmêlée dans tes cheveux

entre tes jambes

le truc collant

le gant de toilette

plein de sang

et tout ça pour quoi

 

Qu’un éclair le traverse

sa main aurait suffi

pour attraper

solitaire

cet éclat d’éternité

Est-ce que c’est plus intense

ou simple expérience

le court-circuit

dans le corps d’une fille

de onze ans

poursuivant les papillons

Elle s’est retrouvée

prise au filet

la peau plus fragile

que l’écorce d’orange

face au couteau

 

Je m’en fous

Je cours toujours

Mes pieds brassent les fleurs sauvages

volent légers au-dessus des prairies

 

Celui appelé mon frère

ne me trouvera plus

les nuages m’ont appris

à changer de forme

à être rien à être tout