En réponse à la proposition d’écriture d’Arlette Mondon-Neycensas, vous nous avez envoyé votre lettre d’admiration à un écrivain que vous aimez. Voici le texte de Nicole Suzuki.
Cher Monsieur Corneille,
Bien des jours ont passé avant que je décide
De vous écrire. Je me présente : je suis le Cid.
Votre pièce est très belle, j’en suis le grand héros.
Pourtant, des qualités, vous m’en donnez bien trop.
J’aurais préféré être un homme plus ordinaire,
Et puis ne pas avoir autant de choses à faire.
Un grand amour, peut-être, ou même une passion,
Mais pas un tel destin, comme dans votre version.
Puis-je vous suggérer de récrire votre pièce ?
De la fille de don Diègue j’aimerais la sagesse.
Comme je suis pacifique, pour éviter son ire
J’enlèverais Chimène, nous n’aurions qu’à partir.
Nous irions vivre au loin, dans une humble masure.
Pas de sang versé, mais une flamme très pure.
Nous serions un exemple de fidèles époux.
Mais pas de tragédie, pas de pièce, direz-vous.
Moi, je n’étais pas fait pour être un tel modèle
Vous m’avez trop grandi, vous m’avez mis des ailes
Plutôt que de mourir, j’aurais vécu longtemps
Nous aurions eu, peut-être, bien des petits-enfants.
J’ai été un héros, mais moi, je le regrette
Chimène non plus à cela n’était pas prête.
Monsieur Corneille, veuillez pardonner mon audace
Vous auriez dû au moins écrire dans la préface
Que votre personnage n’était pas consulté
Enfin, pour terminer, je vous prie d’agréer
Avec mes respects, mes sentiments distingués.