Écrire à partir de « Rêver debout » de Lydie Salvayre

C’est la rentrée ! L’atelier de L’Inventoire redémarre cette semaine sur notre plateforme à distance ! Comme l’an passé une proposition d’écriture vous sera proposée en accès libre tous les mois par un formateur d’Aleph-Écriture. Vous pourrez bénéficier d’un retour collectif sur le texte que vous aurez partagé. Une sélection d’une dizaine de textes sera ensuite publiée sur L’Inventoire.

Cette semaine, Arlette Mondon-Neycensas vous propose d’écrire à partir de « Rêver Debout » (Éditions Seuil, 2021). Une proposition d’écriture qui invite à la correspondance, et que nous vous laissons découvrir en fin de cet article. 

Vous pouvez poster vos textes (1500  signes maxi) sur Teams Inventoire jusqu’au 14 OCTOBRE 2021 (Nous vous remercions d’envoyer uniquement des fichiers Word ou odt. Police Times 12). Si vous êtes déjà inscrit sur notre plateforme (via l’atelier Teams Inventoire de l’année dernière), il vous suffit de vous connecter, sinon, vous devez utiliser ce lien pour vous inscrire gratuitement : Bulletin d’inscription sur la plateforme de l’Inventoire.

Extrait

Monsieur, je vous le dis tout net, je ne suis pas d’humeur à rire, et les façons dont vous traitez votre Quichotte ne sont pas de mon goût.

Vous prétendez que son cerveau tout rempli des fadaises qu’il a lues dans les livres et qu’il croit véridiques, l’amène à commettre des actes insensés.

Est-il insensé de considérer que la littérature n’est pas lettre morte, parure de cheminée, boniment utile, mais plutôt lettre vive ardente, expérience intime qui bouleverse la vie ?

Est-il insensé de se révolter contre les saloperies dont nous sommes témoins, et leur livrer bataille avec les moyens du bord, quitte à se casser la gueule ?

Est-il insensé de vouloir se faire le rempart et l’appui des déshérités de toutes sortes, au risque de déplaire à la Santa Hermandad qui veille à ce que rien ne nuise à sa Très Sainte Eglise comme à sa très Catholique Majesté.

Préférez-vous que l’indifférence, la résignation ou l’abdication deviennent notre lot, et que nous regardions sans piper la misère des autres dès lors qu’elles ne nous regarde pas ?

Lecture

Lydie Salvayre pratique durant plusieurs années le métier de psychiatre avant de publier son premier livre. Elle recevra le prix Hermès du premier roman pour La déclaration en 1990. Le prix Goncourt lui sera remis en 2014 pour Pas pleurer.

Fille d’un couple d’exilés espagnols réfugiés en France à la fin de la guerre civile, elle nait  dans le Loir et Cher et grandit dans une colonie de réfugiés espagnols près de Toulouse. Elle découvrira le français grâce à la littérature. Ce n’est donc pas par hasard que dans son dernier ouvrage intitulé –Rêver debout– l’autrice écrira un roman composé de quinze lettres adressées au célèbre Cervantès, quatre siècles après la publication de Don Quichotte.

Lydie Salvayre admoneste l’inventeur de Don Quichotte sur la façon dont il a malmené son héros. Accoutré d’un bassin de barbier en guise de heaume et affublé d’une lance rouillée, Quichotte, chevalier fragile et rêveur, est résolument ridiculisé pour mieux être humilié, écrabouillé, bafoué –mieux lui écraser le nez sur la réalité et lui apprendre à vivre, comme le disent les esprits vulgaires-. Si l’autrice ne se joue pas de la candeur de Quichotte, elle joue avec brio de cette fausse indignation pour convertir son irrévérence en admiration. Elle profite de ce récit épistolaire pour mettre en écho la quête utopique de Quichotte avec la réalité de notre monde contemporain.

Je vous disais, Monsieur, dans une lettre précédente que votre Quichotte était anar jusqu’à la moelle. Je le maintiens, ne vous déplaise.

Car cet homme quoique fragile en apparence, possède une puissance d’affirmation, une puissance de rupture, une puissance de refus devant ce qui est censé aller de soi, en un mot : une puissance politique au sens noble du terme, comme il est exceptionnel d’en rencontrer. (….)

Son souhait, en quelques mots, est de faire advenir une humanité plus juste, plus haute, plus mélodieuse et où personne ne fera plus s’agenouiller personne, une humanité où s’inventeront de nouvelles façons de vivre et de lier des liens sans que les pouvoirs despotiques aillent y fourrer leur nez.

Proposition d’écriture

Le moment est venu pour vous d’écrire une lettre à un auteur ou une autrice de votre choix. Ce courrier pourrait être, pourquoi pas, un mail !…

Imaginez dans un premier temps comment vous allez vous adresser à votre interlocuteur ou interlocutrice, comment vous allez le ou la nommer. Essayez de trouver la formule la plus juste possible selon ce que vous souhaitez lui dire.

Votre lettre peut concerner l’ensemble de l’œuvre de votre interlocuteur, ou un seul ouvrage. Irriguez votre missive par un affect ou un sentiment de votre choix : la colère, l’admiration, la compassion, la haine, la reconnaissance (la liste n’est pas exhaustive). À moins que vous ne terminiez, comme Lydie Salvayre, par une « pirouette » qui renversera votre propos de départ.