Couvertures colorées sans papier glacé, papier recyclé; les nouvelles revues, légères en coûts de production, s’installent dans le paysage. Une ambition : privilégier le texte et la pensée, les diffuser au maximum, dans un retour aux fondamentaux de l’édition : penser le monde, l’informer, que ce soit à travers la littérature, la poésie ou la philosophie. Le plus légèrement, le plus honnêtement et le plus directement possible.
Nouvelles revues de textes courts, poésie, essais. Facteur Galop, Un texte à soi, et la revue culte L’Ours Blanc,
Facteur Galop
« Une idée qui trotte fini toujours par arriver »
Ils sont quatre fondateurs lyonnais : Isabelle Perennec, Audrey Chapot, Thierry Dusausoit, et Thomas Pourchayre à s’être lancés dans l’aventure de l’édition à disséminer.
Facteur Galop. Par groupe de 3, les volumes sont légers et amenés à circuler « Poésie, récits, ovnis… De vrais livres, chacun d’une trentaine de pages, suivis d’une interview menée par l’auteur auprès d’une personne représentant la littérature à ses yeux. Sortie : deux à quatre fois par an.
Entre revue et livre, une formule légère au service de textes singuliers.
« Il s’agit d’être furtifs. De semer l’envie de lire, de surprendre, de contribuer à votre, à notre façon à la diffusion ». Résolument modestes, dans un geste gratuit d’ensemencement; comme la poésie, les volumes sont beaux, sensibles, intelligents ou émouvants, pour un projet artistique inscrit dans la vie. La première série de livres a été lancée en janvier 2022. Appel à textes ici. Facteurs semeurs plantez !
Revue Un texte à soi
« La revendication d’une sexualité égalitaire » : naissance d’une revue féministe. Un texte à soi.
Nombre d’entre nous aimerions avoir le temps de lire l’entièreté du développement d’une idée, plutôt que son résumé hâtif dans un article qui ne nous renseigne finalement sur rien d’autre que notre difficulté à comprendre ou développer un raisonnement jusqu’au bout, faute de concentration.
Pensé et réalisé par deux libraires du Comptoir des Mots à Paris, la revue Un texte à soi est une nouvelle collection de textes féministes permettant à une autrice de décliner en une tribune d’une cinquantaine de pages les thématiques fortes de sa recherche « parce que nous n’avons pas tous-tes la possibilité de nous lancer dans des lectures longues, exigeantes ou coûteuses, un texte à soi vous proposera, tous les trois mois, un sujet unique porté par une autrice – philosophe, historienne, sociologue, chercheuse…- qui en est la spécialiste », écrivent Marie et Agathe, les fondatrices de la revue, en préambule de ce premier texte. Lancée fin 2022, éditée en format A4 (replié avec une agrafe au milieu), les 2000 exemplaires de la revue vendue 5 euros sont déjà en cours de réimpression. Le N° 2 est déjà en librairie.
N° 1. NOS CORPS de Camille Froidevaux-Metterie (45 pages)
Dans « Nos corps », Camille Froidevaux-Metterie expose les sujets développés au cœur de son livre « Un corps à soi ». Autour de la réappropriation du corps incarné dans tous les aspects des vies intimes et sociales des femmes. Ce texte constitue une entrée en matière dans l’œuvre de cette philosophe incarnant le féminisme contemporain.
Extrait issu de la 1ère page du texte de Camille Froidevaux-Metterie :
« S’il m’est si facile d’occulter mon corps-sujet, c’est que tout a été fait et pensé pour que je l’éprouve comme un corps-objet : outil, instrument, accessoire. Tant qu’il accomplit ce que j’attends de lui, je saisis mon corps dans sa seule objectivité. Je le rassasie, je le mobilise, je le repose, je me préoccupe de la forme qu’il prend et des couleurs sous lesquelles il apparaît aux autres. Mais quelle que soit la place mentale – parfois considérable – que ce souci corporel prend dans ma tête, il reste associé à cette idée fausse que j’ai, un corps-matière dont je dois prendre soin, que je façonne et réinvente au gré de mes envies, dont je peux améliorer les performances. La chose m’est rappelée avec insistance par le flux d’injonctions et de prescriptions qui déferlent incessamment, puissamment sur mon corps comme sur celui de toutes les femmes. Toujours on me répète qu’il pourrait être mieux que ce qu’il est, plus mince, plus lisse, plus jeune, plus musclé, plus conforme en un mot ».
Une tribune qui envisage une à une les sources de la domination masculine sur le corps féminin. De quoi construire un nouveau récit pour les générations à venir, en phase avec la réalité de la condition féminine.
L’ours Blanc
Sur le même principe qu’Un texte à soi, L’Ours Blanc ne publie, à chaque numéro, qu’un seul texte (25 pages). Ce n’est pas une nouvelle revue, mais une revue en phase avec l’air du temps qui privilégie le texte au confort de la distraction des images.
Entrevues la présente ainsi : Éditée en Suisse, par l’excellente maison Héros-Limite, elle propose de lire de la poésie d’une manière combinatoire, alternative et libre. Elle obéit à une fréquence indéfinie, aléatoire. Elle paraît quand elle est prête.
L’Ours Blanc est une revue littéraire qui publie des textes brefs et singuliers, en leur consacrant un numéro entier, abordant le champ littéraire comme un espace dont les limites n’ont rien de définitif ni de contraignant.
L’Ours Blanc fait partie de ces revues préférant un format « pauvre » (photocopie A4 reliée par une agrafe), à une présentation luxueuse. Son prix est un défi (de 5 à 6 euros), pour des poèmes à partager largement.
L’ours Blanc est une revue déjà culte, publiée à Genève avec les moyens du bord, de la passion, et de l’intelligence. Découvrez le N° 36 – Larmier : Mathieu Provensal. A découvrir lors du prochain salon de la revue à Paris (octobre 2024) et en librairie toute l’année.
Danièle Pétrès
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Photo de vignette : extrait du visuel des couvertures (copyright Facteur Galop, à retrouver sur leur compte Facebook)
