Vos textes à partir d’Alessandro Baricco par Nathalie Zimmerlin

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Crédits photographiques: DP

Voici encore un joli texte en réponse à la consigne d’écriture de Sylvie Néron-Bancel (ici) à partir d’Alessandro Baricco « Mr Gwyn » (Galimard, 2014).

Nathalie Zimmerlin

Il l’attendait à leur lieu de rendez-vous habituel, dans la clairière. Il était venu avec un livre, s’était assis au pied du Grand’Arbre et avait entamé sa lecture. Au bout d’un moment, il lui sembla que l’attente aujourd’hui s’étirait plus qu’à l’habitude. Malgré lui, son esprit retourna au rêve étrange de cette nuit : il s’était vu enfermé dans une boite noire, sans pouvoir bouger. Dehors, la rue s’était éclairée d’une lumière blanche, le vague bruit d’un moteur qu’on laisse tourner, des chuchotements, des portières qui claquent et à nouveau le silence et l’obscurité. A son réveil, il y avait pensé à peine, juste une impression maussade. Il leva la tête de son livre, respira profondément, s’appuya un peu plus fort sur le tronc pour sentir dans son dos la présence rassurante de l’arbre et essaya de se détendre.

Tout va bien, se disait-il, tout va bien, mais dans la réjouissance de la revoir bientôt, s’était glissée une infime inquiétude, une minuscule anxiété qui doucement, doucement, s’insinuait et se répandait. Quelque chose n’était pas comme d’habitude. Était-ce cette fraîcheur dans le fond de l’air qui ne se contentait pas de refroidir sa peau mais qui avançait par nappe, irrémédiablement, recouvrant et figeant tout à l’intérieur? Était-ce le silence du bois que quelques chants d’oiseaux ici ou là ne parvenaient pas à égayer qui lui paraissait aujourd’hui si pesant? Plus le temps passait, plus l’horizon s’obscurcissait, plus son absence devenait une évidence, non pas son absence comme un retard, comme un empêchement, un contretemps, non, une absence comme un départ, comme quelque chose de définitif, comme une perte. Elle ne viendrait pas, elle ne viendrait plus.

Nathalie ZIMMERLIN,janvier 2015

 

 

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