Vos textes à partir de « Jacob, Jacob » de Valérie Zénatti – N. Leclercq

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Photo: Betweeners

Cette semaine, vous avez été nombreux à répondre à la proposition d’écriture d’Arlette MONDON-NEYCENSAS autour du roman de Valérie Zénatti: « Jacob, Jacob » (Éditions de l’Olivier, 2014). Nous avons sélectionné huit textes que nous publierons sur deux semaines consécutives. Voici celui de Nathalie Leclercq.

Et si mon père n’avait pas décidé de quitter sa ville et son pays après toutes ses années de misères, de guerre et de stalags, si ma mère n’avait pas été assez folle ou assez amoureuse ou assez lasse des restrictions, des ersatz et des familles pour accepter de suivre son amoureux où qu’il aille et quel que soit son projet, sans poser d’autre condition que ailleurs et avec toi, si le hasard propre à l’immobilier n’avait guidé leurs pas vers la France puis vers le Sud-ouest, si ce même hasard les avait amenés en un lieu autre que la ferme où nous avons vécu tous, eux, moi, et une marmaille d’autres enfants, à l’abri de leur couple, de la grande maison, des champs, des arbres, dans cette liberté qui fut parfois un peu sauvage et souvent isolée, je serais devenue une autre que moi, moins solitaire, plus heureuse qui sait, mais ce dont je suis sûre c’est que s’ils ne m’avaient offert cette enfance libre et bucolique, si le soleil et la lumière de ce pays n’avaient baigné mes yeux et protégé mes lectures presque aussi libres et sauvages que les jeux de notre tribu, je n’aurais pas ressenti tout au long de ma vie, jusqu’à ce jour où la vieillesse me guette, cette aptitude à toujours préférer l’optimisme, à croire qu’après tout, la vie est la plus utile, la plus joyeuse, la plus féconde de mes valeurs.

N.C. (Bergerac, 11 juin 2015)

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