Écrire à partir de « Farouches » de Fanny Taillandier

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Cette semaine, Hélène Massip vous propose d’écrire à partir de “Farouches” (Éditions du Seuil, 2021). Une proposition vous invitant à traverser une frontière, que nous vous laissons découvrir en fin d’article. Vous pouvez poster vos textes (1500  signes maximum) sur Teams Inventoire jusqu’au 22 DECEMBRE 2021.

Nous vous remercions d’envoyer uniquement des fichiers Word ou odt. Police Times 12). Si vous êtes déjà inscrit sur notre plateforme, il vous suffit de vous connecter, sinon, vous devez utiliser le lien ci-dessous pour vous inscrire gratuitement. Nous vous enverrons ensuite un email explicatif pour vous permettre de rejoindre le groupe sous 72 h : Bulletin d’inscription sur la plateforme de l’Inventoire.

Lecture

Dans Farouches, Fanny Taillandier imagine un territoire, la Ligurie, dont elle redessine les frontières, l’histoire et la mythologie dans une fausse fiche Wikipedia introductive.

Un couple, Jean et Baya, s’est installé dans une maison sur une colline encore un peu sauvage.

Dans ce roman, on voit apparaître diverses frontières. L’impact de leur franchissement sur les personnages est un des moteurs de l’avancée du récit. Frontière entre le périmètre des propriétés individuelles (clôturées ou non) et l’extérieur, frontière entre les quartiers, entre les groupes sociaux, entre le monde des humains et la vie sauvage, entre le territoire réel et la légende qui l’habite encore. Frontière entre deux pays. Frontière entre la vie intime et la vie sociale. Frontières dans le temps, entre les époques dont les traces restent vives, sous-jacentes à l’aménagement moderne. Certaines sont clairement perceptibles, d’autres moins, elles résultent de la culture du lieu.

Chaque personnage vit à sa façon l’irruption extérieure, la traversée de ces frontières. Jean sera très perturbé par des règlements de comptes violents à l’intérieur du centre commercial dans lequel il intervient, et qui le ramèneront à son passé. Baya se sentira menacée par l’irruption dans son jardin d’un groupe de sangliers et pour s’en protéger adoptera des stratégies inattendues.

Extraits

1

Dans la cuisine, elle se servit du café et attrapa le paquet de biscuits. Un biscuit dans une main, sa tasse dans l’autre, elle sortit sur le perron et chercha son mari du regard. Elle fut surprise de le voir debout, immobile, au bord de la terrasse, dans la même position que cette drôle de voisine qu’ils avaient invitée la veille : ce coin ne faisait pas partie du parcours habituel de Jean. Elle descendit les trois marches après avoir croqué le gâteau, marcha jusqu’à lui et lui posa un baiser sur l’épaule :

∼ Regarde, dit-il.

En contrebas, la terrasse du verger était comme labourée, et les troncs des abricotiers étaient lacérés par endroits. À droite, le pourtour de la piscine était fouillé de trous dans la terre soigneusement arrosée.

On aurait dit qu’un régiment était passé par là.

∼ Tu les as entendus ? demanda-t-elle.

∼ Rien. Pourtant ils ont dû faire un sacré foin.

Le couple humain resta un moment silencieux, inspectant les terrasses en contrebas.

∼ Le mur est complètement éboulé, dit Baya en montrant de l’index un point de la restanque au-dessous d’eux. Jean eut un sifflement entre ses dents. Les lourdes pierres avaient roulé dans les herbes folles du verger, et le muret s’ouvrait en une brèche irrégulière où la terre sèche glissait.

∼ Ils ont dû passer littéralement devant notre porte, s’ils sont descendus par là. C’est fou qu’on n’ait rien capté.

Baya se serra contre son époux.

2

Jean marcha jusqu’à la lumière, passant sans y prendre garde devant sa grosse bagnole trop propre. Il sentit la brise de l’air descendre sur lui, siffler à ses oreilles ; et en contemplant le paysage sériel de parkings, contre-allées, portes coulissantes, panneaux de signalisation, ronds-points fleuris de yuccas rachitiques qui s’étalait à perte de vue dans la plaine maritime, il visualisa pour la première fois ce torrent dont Sud Soleil avait envahi, recouvert et terrassé le lit. Il lui sembla entendre le flot grondant qui devait courir sur ces pierres très blanches et coupantes qu’on voit dans la région, en de lointains printemps, vers la mer toute proche ; les joncs sur les côtés penchés par la même brise et dans lesquels s’abritaient des serpents, des furets aux canines acérées : les chevreuils, les sangliers qui venaient s’abreuver parfois attaqués par des genres de gros chats sauvages (pensait-il vaguement), et guettés par les Ligures : humains chevelus, agiles, postés sur les éminences de rives et les à-pics des falaises, avec des lances ou des flèches. Les sens à l’affût, les mœurs farouches, ne craignant nul empire, l’œil sombre suivant le pas des porcs sauvages, calmes.

Il les voyait devant lui. Ou plutôt, il les sentait, leur présence comme ces bruissements furtifs qu’on entend dans le silence quand la nuit tombe ou parfois, comme maintenant, alors qu’il ne pourrait pas faire plus jour.

Proposition

À votre tour de nous donner à voir les réactions d’un personnage au moment où il constate ou vit le franchissement d’une frontière. À vous de choisir votre genre, réaliste ou fantastique. À vous de choisir la nature de la frontière traversée et l’impact de ce franchissement. La situation que vous allez imaginer donnera à voir un lieu, un univers.