« Madame H. » de Mireille Bousset               

Ce texte a été écrit sur une proposition d’écriture de Béatrice Limon à partir de « La ligne de nage » de Julie Otsuka et figure parmi les dix textes sélectionnés. 

Mireille Bousset              

Madame H.                                

Elle portait toujours son petit tablier de devant, prête à foncer sur les tâches ménagères. Petite souris, toute menue, toujours en action.

Veuve, elle avait élevé seule ses deux filles. Elle était fière d’elles, grandes, élégantes, cultivées. Elles ont fait de beaux mariages.

Son mari avait sculpté une panthère dans de l’ébène. Pendant l’exode, on l’avait dépossédée de cette œuvre unique.

Un jour elle m’a dit : « tu veux bien corriger les fautes que j’ai pu faire dans cette lettre. »

La lettre était écrite dans une langue qui m’était inconnue mais c’était celle qu’elle avait apprise à l’école. Elle avait ri de son espièglerie.

Son mince chignon de cheveux gris était toujours impeccable.

Elle aimait travailler la terre, voir pousser les légumes dans son jardin. Elle connaissait les simples et leurs vertus.

Elle avait des doigts de fée.

Quand elle partait visiter sa famille, là-bas, loin, elle ramenait toujours de la mélasse.

« Tu veux en goûter ? »

Elle, elle plantait une grosse cuillère dans le pot et elle dégustait, les yeux clos.

Un jour, elle a retrouvé la trace de sa panthère noire et a fait des pieds et des mains pour qu’elle réintègre son foyer.

Avec une boite à chaussures et de vieux voilages, elle avait confectionné un berceau magnifique pour ma poupée.

Allemande puis Française, au gré du déplacement des frontières en Loraine, Madame H. avait traversé deux guerres etles épreuves de la vie avec courage et énergie. Elle était ma voisine bienveillante, la grand-mère de mes amies.

M.B.