Écrire à partir de « L’Inventeur » de Miguel Bonnefoy

Cette semaine, Sylvette Labat vous propose d’écrire à partir de « L’Inventeur » de Miguel Bonnefoy (Rivages 2022). Exercez-vous à entrer dans le genre littéraire de la biographie !

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Vous pouvez poster vos textes (1500 signes maximum) sur Teams Inventoire jusqu’au 30 janvier 2023 (en format Word uniquement, interligne 1,5, caractère 12).

L’auteur

Miguel Bonnefoy est né le 22 décembre 1986 à Paris. Écrivain français et vénézuélien, il est le fils d’un homme politique et romancier chilien, et d’une diplomate vénézuélienne. Il a suivi sa scolarité dans des lycées français entre l’Amérique du sud et l’Europe. Après avoir été en résidence à Berlin, il vient de s’installer à Toulon.

En 2013, il reçoit le prix du jeune écrivain pour sa nouvelle Icare. Il est l’auteur de trois romans avant l’Inventeur : Le voyage d’Octavio (finaliste du Goncourt du premier roman), Jungle et sucre noir, et Héritage (sélectionné pour les prix Goncourt et Fémina) qui a reçu le prix des libraires en 2021. Son dernier roman « L’Inventeur » s’est vu décerner le prix Patrimoines 2022.

Le livre  : L’Inventeur, Miguel Bonnefoy (Rivages 2022)

4e de couverture

Voici l’extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXᵉ siècle, découvre l’énergie solaire. La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil. Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot sur l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant « fleurir le désert » sous le soleil d’Algérie.

L’histoire d’Augustin Mouchot est singulière, d’une part par l’originalité de son invention, un procédé très en avance sur son temps, d’autre part par le destin de cet homme à la santé fragile, à qui l’on ne prédisait pas une longue existence mais qui mourut à l’âge de 87 ans.

Toute sa vie, l’inventeur n’aura cessé de s’accrocher à son projet, faisant des démonstrations devant toutes sortes de personnes et d’institutions. Malheureusement des concours de circonstances plus incroyables les uns que les autres ont fait que Mouchot n’a jamais pu développer sa machine.

L’écrivain varie les atmosphères, nous offre une exofiction faisant le récit de l’enfance sordide de l’inventeur, minée par les maladies, comme celui de sa vieillesse tragique auprès d’une mégère démente. Il flirte avec Malot et Zola. Les deux voyages en Algérie revêtent une dimension poétique et mystique. Mouchot y cherche à se rapprocher du soleil jusqu’à se brûler les yeux au sommet d’un des points culminants du massif des Aurès.

Miguel Bonnefoy brille par son style et ses talents de conteur, s’offrant mille digressions à travers le portrait de personnages secondaires hauts en couleur. La narration est précise et soignée. Ce livre est passionnant, on y lit une biographie romanesque, mais aussi des anecdotes, des détails, des descriptions de la fin du XIXᵉ siècle.

Extraits 

P11

Son visage n’est sur aucun tableau, sur aucune gravure, dans aucun livre d’histoire. Personne n’est présent dans ses défaites, rares sont ceux qui assistent à ses victoires. De toutes les archives de son siècle, la France ne conserve de lui qu’une seule photographie. Son existence n’intéresse ni le poète, ni le biographe, ni l’académicien. Personne n’entoure de légende sa discrétion ni de grandeur sa maladie. Sa maison n’est pas un musée, ses machines sont à peine exposée, le lycée où il fit ses premières démonstrations ne porte pas son nom. Toute sa vie, ce guerrier triste se dresse seul face à lui-même et, malgré cette solitude qui pourrait avoir la trempe et l’acier des génies de l’ombre, son destin n’est même pas celui d’un héros déchu.

 P15

À six mois, Mouchot était déjà épuisé de vivre. Il n’avait pas la rondeur bouffie des nourrissons en bonne santé ni l’éclat attendu des prédestinés, mais semblait toujours à quelques minutes d’une apoplexie, tout fripé, tout décharné, comme un crapaud malade dont la couleur de la peau, même nourrie au lait épais des vaches deMontbard, gardait encore l’aspect d’une auge de pierre. Il mangeait mal, dormait mal, voyait mal.

P18

Mais ce qui impressionna le plus les compagnons fut qu’avant même d’apprendre à lire, il avait commencé lentement à imaginer un système d’encodage pour coffre-fort, une harmonie de nombres permettant de crypter des signes, avec une rapidité de raisonnement extraordinaire et une logique qui n’étaient pas de son âge, comme si les longues années d’isolement avaient fait macérer dans sa tête un don naturel pour le calcul mental. Ce fut sa mère qui s’en aperçut avant tout le monde. Un soir où l’aidant à l’atelier, elle le vit défaire puis assembler à une vitesse vertigineuse les combinaisons d’un boîtier, elle décida de l’arracher à cette vie d’artisan de l’ombre.

P60

Il passa la journée suivante à apporter les dernières retouches à son appareil, en songeant à Saint-Cloud. Il se figurait déjà membre d’une commission scientifique au sein de l’Empire, se voir confier des démonstrations pour l’inauguration d’un monument et, au crépuscule de sa vie, être nommé sénateur. Tous ces mirages lui provoquèrent une telle émotion, occupèrent tant son esprit qu’il en omit de se renseigner auprès de Maurice de Tastes sur l’état des tempêtes.

P198

Il était midi. C’était le vendredi 4 octobre 1912. Mouchot sentit son coeur le lâcher. Il revit une dernière fois par la fenêtre le mont Chélia dans le désert algérien, si clair, si net qu’il eut l’impression qu’un rayon de sable se glissait entre les rideaux. Puis il ferma les yeux.

Proposition d’écriture

Je vous propose d’écrire une biographie romancée, ou exofiction donc. La forme sera libre.

Dans un premier temps, vous allez choisir sur qui vous allez écrire, une personne à laquelle vous avez envie de vous intéresser, qui vous interpelle ou vous touche.

Tout est possible à condition que cette personne soit décédée afin que vous soyez face à la totalité de son existence.

L’objectif est d’écrire la vie entière de cette personne, avec obligatoirement ces éléments :

– son état civil (sa naissance, ses origines, son nom, sa famille…)

– Ses goûts, habitudes, particularités, son caractère…

– Une ou deux scènes importantes de sa vie, des moments-clés, des tournants.

– Sa mort, ses circonstances.

S.L.