Ecrire à partir de « Paris-Briançon » de Philippe Besson

Chaque mois, nous initions une nouvelle proposition d’écriture. Si vous êtes déjà inscrit sur notre plateforme il vous suffit de vous connecter, sinon, vous pouvez utiliser ce lien et vous inscrire gratuitement : Bulletin d’inscription sur la plateforme de l’Inventoire. 

Cette semaine, Béatrice Limon vous propose d’écrire à partir de Paris-Briançon, de Philippe Besson, (Juillard, janvier 2022), et de transformer votre stylo en caméra, voire en drone, pour approcher des personnages. C’est une façon d’emmener son lecteur à la découverte d’une scène, et de faire focaliser son regard sur ce que l’on souhaite mettre au premier plan.

Vous pouvez poster vos textes (1500 signes maximum) sur Teams Inventoire jusqu’au 24 octobre 2022.

En format Word uniquement, interligne 1,5, caractère 12.

Le livre

Paris-Briançon est sorti chez Juillard en janvier dernier. On y découvre le récit d’un événement dramatique ou plutôt la galerie de portraits des personnages touchés au petit matin par cet événement : on fait leur connaissance avant, durant toute une nuit, et on les retrouve après, transformés, forcément transformés. C’est un huis clos dans la nuit du train, fait de rencontres, de confidences, de pensées intérieures, jusqu’à l’événement qui va renverser l’état des choses.

Si je vous en dis plus, je déflore le livre…

Extrait 

Prologue

C’est un vendredi soir, au début du mois d’avril, quand les jours rallongent et que la douceur paraît devoir enfin s’imposer. Le long du boulevard, aux abords de la Seine, les arbres ont refleuri et les promeneurs sont revenus. Autour d’eux, des flocons virevoltent, tombés des peupliers ; on dirait de la neige au printemps.

C’est une gare, coincée entre un métro aérien et des immeubles futuristes, à la façade imposante, venue des siècles, encadrée de statues, où les vitres monumentales l’emportent sur la pierre et reflètent le bleu pâlissant du ciel. Des fumeurs et des vendeurs à la sauvette s’abritent sous une marquise à la peinture écaillée.

C’est la salle des pas perdus, où des inconnus se croisent, où une Croissanterie propose des sandwichs et des boissons à emporter, ne manquez pas la formule à 8 euros 90, tandis qu’un clochard file un coup de pied dans un distributeur de sodas et de friandises.

C’est un quai noirci par la pollution et les années, où un échafaudage a été installé parce qu’il faut bien sauver ce qui peut l’être, et où des voyageurs pressent le pas, sans prêter attention à la verrière métallique qui filtre les derniers rayons du soleil.

C’est un jour de départ en vacances, les enfants sont libérés de l’école pour deux semaines, ils s’en vont rejoindre des grands-parents, loin, une jeune femme est encombrée par un sac trop lourd qu’elle a accroché à la saignée du coude, un homme traîne une valise récalcitrante, un autre scrute fébrilement le numéro des voitures, un autre encore fume une dernière cigarette avec une sorte de lassitude, ou de tristesse, allez savoir, un couple de personnes âgées avance lentement, des contrôleurs discutent entre eux, indifférents à l’agitation.

Bientôt, le train s’élancera, pour un voyage de plus de onze heures. Il va traverser la nuit française.

Proposition d’écriture 

Philippe Besson a ainsi planté le décor du point de départ de ses personnages, qui apparaissent déjà, d’ailleurs, dans la description des silhouettes vues à la gare. Maintenant, tout peut arriver.

Je vous propose de vous saisir de cette approche très cinématographique, à la façon dont une caméra zoome progressivement sur un lieu et les personnages qui s’y meuvent, pour décrire à votre tour une scène en forme de « chose vue ».

Ce peut être ce que vous voulez : une soirée au cinéma ou au théâtre, un déjeuner de famille, un après-midi à la plage, un atelier d’écriture, l’intérieur d’un café, un mariage, un supermarché, la queue dans une administration… Vos souvenirs et votre imagination vous donneront les ingrédients.

Ce qui importe ici, c’est d’expérimenter la méthode. Que votre stylo agisse à la manière d’un drone, du plus loin au plus près, et emmène le lecteur, à tire-d’aile, jusqu’au cœur de votre scène. Que vous partiez d’une vue générale, voire lointaine, du décor, pour arriver à une image beaucoup plus détaillée, à un groupe de personnages, à un seul personnage, à la main d’un personnage…

Si la formule « C’est… C’est… C’est… » vous aide à vous lancer, utilisez-la, sans vous sentir obligés de l’employer.

Philippe Besson

Philippe Besson, pour ceux qui sont comme moi accro à l’actualité, c’est celui qui a failli être nommé consul général de France à Los Angeles, en 2018, par Emmanuel Macron. La nomination, très critiquée, apparentée à une forme de copinage, a été annulée par le Conseil d’État.

En dehors de cette péripétie, c’est un écrivain français né en 1967, qui publie très régulièrement un à deux romans par an depuis En l’absence des hommes, paru en 2001, où il mettait en scène le personnage de Marcel Proust. Il est édité par Juillard depuis le début.

Juriste, directeur des ressources humaines dans plusieurs entreprises, secrétaire général de l’institut de sondage Ifop, c’est un écrivain à la carrière atypique, jamais très éloigné de l’observation du réel, comme avec Un personnage de roman, récit de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, paru en septembre 2017.

Il écrit dans un style simple, dépouillé même, que j’apprécie pour la liberté d’imagination qu’il laisse au lecteur.

Béatrice Limon

Journaliste et formatrice en presse quotidienne régionale pendant vingt-cinq ans, Béatrice Limon a choisi de concilier sa passion de l’écriture et son désir de transmettre en animant des ateliers créatifs et littéraires.