L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan

product_9782070147687_195x320Alain ANDRÉ *

À propos de L’intérêt de l’enfant, de Ian McEWAN (2014 et Gallimard, « Du monde entier »), 2015.

Extrait

« Elle ne répondit pas ou, plutôt, ne posta pas le mot qu’elle avait mis presque une heure à rédiger le soir même. Sa quatrième et ultime version lui avait paru assez amicale, elle s’y réjouissait d’apprendre qu’il était rentré chez lui et se sentait mieux, qu’il gardait un excellent souvenir de cette visite. Elle lui conseillait d’être un bon fils pour ses parents. Elle ajoutait que, dans sa jeunesse, elle avait exactement les mêmes rêves d’évasion que lui (…) Lorsqu’elle jeta un coup d’œil à sa courte lettre le lendemain matin, ce ne fut pas son caractère amical qui l’impressionna, mais sa froideur, ce conseil de pure forme, ces trois tournures impersonnelles dans la phrase suivante, ce souvenir fabriqué. Elle relut celle d’Adam Henry, et fut à nouveau touchée par son innocence et sa chaleur. Mieux valait ne rien envoyer du tout que le décourager. Si elle changeait d’avis, elle pourrait toujours écrire plus tard. » (p. 155)

contributor_14813_195x320Note

Le dernier roman de Ian McEwan, L’intérêt de l’enfant, se lit d’une traite. On a deux récits en parallèle. L’intérêt du lecteur, c’est qu’ils croisent deux dimensions de la vie d’un même personnage, Fiona Maye, magistrate d’une soixantaine d’années, spécialiste des affaires familiales. D’une part, elle est tellement prise par son travail qu’elle délaisse son mari (Jack), qui s’embarque dans une liaison avec une jeune stagiaire, Melanie. D’autre part, elle est bousculée par une nouvelle affaire : Adam Henry, adolescent de dix-sept ans atteint de leucémie, met sa vie en danger suivant les prescriptions, hostiles à la transfusion sanguine, de ses parents témoins de Jéhova. Après avoir entendu les parties, Fiona se rend au chevet du garçon à l’hôpital. La rencontre, forte, lui permet de trancher en faveur de la transfusion. Le garçon s’accroche à elle, lui adresse des poèmes, la suit dans la rue. Froideur juridique et musicalité poétique s’opposent, comme la lassitude conjugale et les élans de la jeunesse. Que va-t-il se passer ?

Un drame, évidemment. La seule justice est impuissante à changer la vie des hommes. Fiona ne manque pas totalement d’humanité, mais elle est magistrate. On exprimera une seule réserve, celle d’un lecteur qui a aimé la plupart des romans précédents de Ian McEwan : le récit, superbement conduit, reste un peu lisse, à l’image de cette justice trop bien huilée.

A.A.

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* Fondateur et directeur pédagogique d’Aleph, auteur de romans et d’essais.

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