Vos textes à propos d’Arnaud Cathrine – Michèle Bauve

IMG_2640Cette semaine, voici les textes écrits en réponse à l’appel à écriture de Françoise Khoury à partir du livre d’Arnaud Cathrine, « Les garçons perdus », Le bec en l’air, 2014.

Michèle Bauve

SIMONE

Elle s’appelait Simone…

Petite blonde rondouillette au regard bleu. Etait-ce cela qui nous avait séduits d’abord ? Son physique faisait exception parmi nous, filles du Midi qui fréquentions l’école primaire. L’élégance de son vêtement, la masse chatoyante de ses cheveux blonds qu’à l’envi elle nattait en tresses serrées ou tirait en queue de cheval, son assurance volubile, faisaient notre admiration.

A chaque récréation, elle se faufilait parmi la cohue bruyante des élèves et, d’un geste de ralliement, nous réunissait dans le caniveau qui s’élargissait au bas du mur d’enceinte de la cour, assises tout contre elle, nos jupes tirées sur nos jambes nues.
J’ai gardé le souvenir de la fraîcheur du ciment sous mes cuisses.

Qu’est-ce qui nous attirait ainsi ?

Les histoires que cette petite blonde avait l’art de nous raconter. Récits fantastiques de mortes ressuscitées, d’hommes loups cachés dans les maisons isolées, dans les collines obscures, de disparitions étranges, d’enfants enlevés et jamais retrouvés. Elle savait prendre des mimiques de conteuse avertie, susciter le suspens par des silences appropriés. Elle fermait alors les yeux et les rouvrait pour nous fixer à tour de rôle. Toute une fantasmagorie de personnages venaient ainsi enchanter nos récréations. Nous gravissions les escaliers pour rejoindre notre classe dans un état d’intense fébrilité, tournées vers elle pour l’interpeller de nos questions jusqu’à l’arrivée dans la classe, où l’institutrice imposait silence.

Il faut bien l’avouer, ce qui nous attachait surtout à elle, c’est qu’elle savait des choses que nous ignorions.Elle nous paraissait incollable sur tout ce qui concernait la vie sexuelle des adultes, et plus que tout, ce qu’elle nous révélait sous le sceau du secret nous laissait sans voix. Dégoûtées, quelquefois nous poussions des hauts cris. Mais elle savait toujours réactiver notre attention crédule, nous entrainer dans des détails scabreux dont elle certifiait l’authenticité de manière péremptoire. Ces récits s’imposaient à nos rêveries adolescentes. Nous ne regardions plus nos parents avec la même innocence, ils nous étaient devenus irrémédiablement suspects.

 Michèle BAUVE

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