Marie-Pascale Lescot : « Écrire et animer relèvent d’une forme d’artisanat »

Afin d’accompagner les formateurs animateurs d’ateliers d’écriture et les biographes dans la mise en œuvre de leur activité professionnelle, Aleph-Écriture lance un nouvel approfondissement : « Lancer son activité professionnelle ». Nous avons interrogé Marie-Pascale Lescot, Directrice pédagogique, qui l’anime.

L’Inventoire : Vous allez animer la formation « Lancer son activité professionnelle », à l’attention des Formateurs-animateurs d’ateliers d’écriture et des Biographes. Qu’est-ce qui vous a motivée à créer ce module, après ces deux cycles de formation ?

Marie-Pascale Lescot : Il faut donner aux participants les moyens de professionnaliser leur activité, dont le territoire est historiquement assez informel, à la croisée du monde associatif, de l’enseignement, de l’art, de la formation, du développement personnel…

Au fur et à mesure que les participants avancent dans la formation, les questions arrivent par vagues : suis-je légitime, comment concevoir une bonne proposition, mes retours sont-ils pertinents, comment construire un dispositif sur la durée, etc. En approchant de la fin du parcours, ces questions vont porter sur « comment vais-je m’organiser professionnellement ? » « comment trouver des clients ? ». Il semblait logique et nécessaire d’offrir des réponses et des pistes.

Quelles sont les interrogations que vous avez repérées ?

Le contexte administratif en France étant à la fois complexe et tatillon, elles sont de différentes sortes, que ce soient les statuts, le mode de rémunération afférent, la fiscalité, la retraite, les cotisations, la couverture sociale, l’URSSAF. Quand on a fonctionné essentiellement sur le mode contrat/salarié où ces sujets sont normalement pris en charge par l’employeur, tout ceci s’avère extrêmement complexe à appréhender : travailleur indépendant, droits d’auteur, auto-entrepreneur, chèque association, intermittence du régime général, etc… François Nacfer, responsable formation et spécialiste des questions sociales à la Société des gens de lettres (SGDL) interviendra sur ces sujets.

Nous sommes passés dans un autre monde, où la course à la visibilité rend aussi la concurrence beaucoup plus perceptible.

Les questions sont-elles uniquement administratives ?

SGDL

L’aspect administratif n’est qu’un des arbres de la forêt ! L’autre est la question de la visibilité, comment se faire connaître, démarcher, comment « exister ». Le travail et les moyens de « l’employabilité » ont en effet été totalement bouleversés par le numérique et les réseaux sociaux et professionnels. Il y a dix ans, on envoyait des candidatures « spontanées » par mail (ou par courrier après avoir léché un timbre !) en cherchant obstinément ensuite à avoir les personnes au bout du fil. Aujourd’hui nous sommes passés dans un autre monde, où la course à la visibilité rend aussi la concurrence beaucoup plus perceptible.

Or, écrire et animer relèvent d’une forme d’artisanat, c’est d’ailleurs cette dimension qui en fait la valeur pour les participants, les biographes et les animateurs. Mais cette culture ne favorise pas l’appréhension et l’aisance avec le numérique en général et les réseaux en particulier. Les animateurs sont rarement digital natives ! C’est la raison pour laquelle on s’est adjoint la compétence d’Eliette Lévy-Fleisch, consultante en marketing digital et spécialiste des métiers du livre, pour aider les participants à entamer leur conversion.

Un troisième arbre ?

Pour moi, c’est le sujet de la relation au travail, à ce travail qu’on projette comme a priori porteur de sens et nourrissant. C’est particulièrement prégnant pour les participants en reconversion. Comment est-ce que je veux travailler ? Être seul à bord et autonome (sans chef ?!!) ? Mais on est parfois très seul face à un groupe ! Alors, intégrer une structure ou rejoindre ou monter un collectif ? Quelle place et quel espace pour l’animation dans une vie professionnelle ? On n’anime pas 35h par semaine (comme chez les enseignants).

Vous interviendrez dans cet approfondissement comme directrice pédagogique d’Aleph-Écriture. En quoi consiste votre travail ?

De manière schématique, mon travail parcourt la chaîne du contenu : le recrutement des animateurs, la réflexion sur les programmes, la conception des nouveautés en dialogue avec eux, la construction de la programmation, le pilotage et l’information de l’équipe, la lecture des bilans des participants et des animateurs, et pas mal de rédactionnel…

Vous-même, allez-vous sur les réseaux pour repérer des profils ou des idées intéressantes ?

Jamais ! je suis terriblement old school, mais ma réponse fournit une illustration parfaite de ce qu’on appelle à Aleph le « contrat de communication » : selon l’interlocuteur que vous visez, vous devez choisir la bonne modalité. Je lirai une lettre et un CV ; d’autres repéreront des profils intéressants sur LinkedIn.

Combien de temps est-il nécessaire environ, pour que les personnes formées puissent commencer à vivre de leur pratique ?

Lorsqu’il s’agit d’une reconversion, tout dépend du réseau que l’on est en mesure d’activer, et des ponts avec son activité préalable. Depuis l’endroit que j’occupe, j’ai l’impression de rencontrer surtout des « multicartes de l’écriture », auteur, journaliste, formateur, qui animent et écrivent. Ce jeu de cartes met du temps à se construire mais la stratification d’approches de l’écriture qu’il produit peut être très intéressante. On est souvent dans des fertilisations croisées.

DP

Après une formation littéraire et une carrière dans la danse contemporaine, Marie-Pascale Lescot a pratiqué l’écriture professionnellement comme journaliste, conceptrice-rédactrice et traductrice.

Sa découverte des ateliers d’écriture s’est faite aux États-Unis et sa formation d’animatrice à Aleph-Écriture.

Comme directrice pédagogique d’Aleph-Écriture, elle assure le suivi des programmes, la création de nouveaux contenus, le pilotage de l’équipe pédagogique. Intéressée par l’articulation écriture et image, elle est l’auteure d’un documentaire de création « Le mollet de la danseuse » (2009) et d’une bande dessinée « Jambon d’épaule » (2016).