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Rose
Ecorné
Ce carnet où tu donnais
Un nombre aux négatifs
Un nom à chacune de tes planches-contact
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Devant l’objectif
Sur une photo marque-page
Je te retrouve
Au lieu même où
Petite, tu m’avais captée nue
Dans ton Rolleiflex
Au même âge où
Déjà tu découvrais
Ce mystérieux enivrement,
Qui brûle les corps et les sens
Culpabilise les innocentes
Et fait jouir les plus forts…
Sans créer d’histoire,
Ni d’intrigue,
L’image révèle
L’envers du jour
Une plage
De temps et de ton
Neutres.
Au dos, ton écriture
Trahit l’autre face
De ce que nous avons été :
Dunkerque, Août 83. Avec Iza.
La belle époque
(Avant Alzheimer)
Maintenant
Tu es sortie de ta nuit
Et tu m’en laisse l’espace
L’opacité
Pourtant j’oscille
J’hésite
Ta vie
Ce qu’il en reste en moi :
Un souvenir,
Sa chair,
Ses tentacules…
Ses coursives incandescentes
Me signalent que je peux
Courir désormais
Rattraper mon ombre
Exister.
Exister !
Déborder du réel
Et si je l’affabule
Souffle-moi –
Par le biais d’un cri animal,
Dans un jour sans pareil –
Qu’enfin je brûle
Me consume
Dans une folie
Douce et brute
Immolée par ton rêve.
Et, dans cette pensée que je voudrais constante,
Consciente,
Je sens déjà venir
Comme une fête, un mariage annoncé
Mon apaisement,
Ton sourire.