« Sur nos agonies pleurer », Sandrine Drappier-Ferry

Sur nos agonies pleurer

2h43 / Je ne dors pas / Je ne dors plus / Je ne sais plus depuis quand

Les semelles emmêlées

Dans les ruelles blêmes

J’erre la nuit

Je marche le long de longues plages

En sens interdit où des réverbères veillent

Dressés comme des sentinelles militaires

Hors cadre dans l’ombre du front de mer

Accoudée au balcon du paysage

Je reste immobile à posséder le sable

L’immensité de la mer huileuse

Ne pas regarder en haut où / Plus aucun oiseau ne volera / Jamais

Ne pas regarder le ciel où / Plus aucune étoile ne luira / Jamais

Ne pas regarder trop loin où / L’ onde de vie des gens d’en face / Se meurt

Adapter son regard à ce qu’il reste d’espoir

Juste … Scruter la mer étale où

Des rumeurs de deuils mélancoliques

S’échouent dans des bouteilles jetées de rage

Juste …Cligner des yeux devant les lumières artificielles au garde-à-vous

Au petit matin le clac clac clac épuisé de l’éclairage blafard

Me tire de mes rêveries

Je jette un dernier coup d’oeil au vieil accordéoniste endormi

Qui toute la nuit a joué des airs de résistance

Et sagement je prends le chemin de l’usine

Sur mes lèvres dans mon ventre le froid entêtant de la peur

Le dégoût de l’autre devenu phobie nationale

Sous ma peau comme un membre fantôme

Ce n’est pas rien cette absence inconsolable

….

6h25 / J’aimais nos vies d’avant lorsqu’elles s’écoulaient entre nos mers / Et lâchement dans une

dernière humanité / Sur nos agonies pleurer.