Vos textes à partir de Jeanne Benameur: O. Martial

IMG_6308Cette semaine, nous avons choisi de vous présenter quatre textes, parmi ceux que vous nous avez envoyés en réponse à la proposition d’écriture de Martine LEROY-RAMBAUD, à partir du livre de Jeanne Benameur « Otages intimes » (Actes Sud, 2015). Voici celui de Olivier Martial.

Lendemain

Attablé près de la vitre donnant sur une rue vide, tes yeux bleus brillent en savourant une mousse au chocolat. Sur la nappe beige en papier, le ramequin blanc est entouré de miettes de pâte à pizza. Derrière toi, un homme de dos porte une chemise rose. De la main droite tu tiens une cuillère trop grande, de la main gauche une cigarette russe à moitié mangée. Tu es si beau avec tes cheveux blonds et bouclés.

Nous passons les samedis ensemble car ta mère travaille dans son magasin. Souvent nous déjeunons au restaurant. Je ne suis pas doué en cuisine et un peu flemmard. Et surtout c’est un vrai plaisir de m’y retrouver avec toi. On rigole bien. Avant, nous sommes allés à la bibliothèque pour écouter des histoires. Des employés lisent des comptines pour les petits de un à trois ans. Ces séances gratuites et ouvertes à tous sont un rendez-vous joyeux, intelligent et convivial.

«Suite aux évènements tragiques de la veille, la bibliothèque est exceptionnellement fermée aujourd’hui samedi 14 novembre. » Tu n’étais pas content, tu aimes beaucoup assister à ces séances. Parfois même tu danses joyeusement sur les chansons. Alors nous sommes allés jouer dans le parc à côté. Depuis hier soir, je me sens un peu perdu et suite à cette porte close, j’ai essayé de cacher mon errance au milieu des toboggans. Tu grimpes toujours tout en haut et tu rigoles en courant. La tête ailleurs, je devais me concentrer pour rester vigilant.

On dit qu’il ne faut pas avoir peur. Comment n’aurais-je pas peur de perdre l’innocence face à l’intrusion de la barbarie dans notre petite vie tranquille ? Au restaurant, je regarde la photo prise avec mon téléphone. Je m’aperçois que tu es vêtu d’un pull marron avec en lettres capitales PARIS, le A et le S cachés dans des plis. C’est toi qui l’as choisi ce matin. C’est drôle…

O.M.

Partager