Vos textes à propos de « Les garçons perdus » d’Arnaud Cathrine par A.O.

OLYMPUS DIGITAL CAMERACette semaine, voici les textes écrits en réponse à l’appel à écriture de Françoise Khoury à partir du livre d’Arnaud Cathrine, « Les garçons perdus », Le bec en l’air, 2014.

Par A.O.

Une bouille d’ange

Une bouille d’ange, à peine sortie de l’enfance, entourée de cheveux
clairs, ondulés, dont les boucles tutoyaient ses épaules. Un sourire
désarmant qui devait masquer une faille, une fêlure.
Il avait débarqué comme un ovni, parachuté au collège un mois après
la rentrée. Il ne connaissait personne, et personne n’était enclin à le
connaître; les clans était déjà constitués, soudés. N’ayant aucune prise
sur nous, Il avait fait son trou en misant tout sur l’audace mêlée à une
forte dose d’insolence. Il se ferait remarquer, quoi qu’il puisse lui en
coûter ; tout, sauf l’anonymat. Il allait fédérer les foules, susciter
l’admiration comme la peur; verrue inopportune de la 5ème B, il en
serait son leader. Son champs de bataille, la salle de classe; son arme,
la parole, l’absence de parole aussi; et son sourire, envers et contre
tout. Il attirerait simultanément l’attention des professeurs et la nôtre.
Piètre élève mais orateur de choix, il alternait avec subtilité les mots
et les silences; ceux qui touchent et ceux qui blessent aussi. Ceux qui
déstabilisent un professeur en pleine démonstration, qui en poussent
un autre à bout forçant l’admiration des derniers rangs mais aussi des
premiers. L’autorité était malmenée ce qui ne manquait pas
d’interpeller notre révolte naissante d’adolescents en pleine mutation.
Après l’avoir ignoré, nous étions subjugués, prêts à l’aduler et il savait
parfaitement en jouer. Tirant les ficelles de son théâtre personnel, il
constituait sa cour au gré de ses caprices; tantôt faussement élogieux
ou bienveillant, méprisant ou cassant, toujours manipulateur, il nous
montait les uns contre les autres jusqu’à la rupture.
Il n’a cessé de m’humilier; il représentait tout ce que je détestais.
Pourtant, je l’aimais. Sa faille, peut-être.

A.O.

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