Fêler la nuit
flammes vives
 crépitement de la poignée d’eau
 jetée au foyer d’acier rougi
 parole soufflée dans la chaleur
 les corps nus s’alanguissent
 reflets de peau sur la vitre embuée
par la fenêtre
 la lune
 trou rond dans la glace
 le ciel comme le lac
 gelé
porte ouverte sur le silence
 ils se précipitent dans l’air coupant
 courent sur la neige de marbre
 fantômes fumants aux pieds glacés
 la chair se pare d’obscurité
ils rient haut
 la salive gèle et les lèvres se fendent
 ils rient pour fêler la nuit
 pour refouler la peur
 les bêtes aux yeux vides
 jaune d’ambre ou vert d’opale
 des chiens couchés derrière l’abri des traineaux
ils courent dans la nuit polaire
 et leurs rires se fracassent
le chemin tracé par les rennes serpente
 parmi les bouleaux
 les ombres se jettent sans retenue
 sur le tapis de neige bleue
 la lune rase les branches vernies
 le lichen frise en diamants
 qui crissent tels mille craquements d’os
la forêt gémit quand se lève le vent
 les chiens pleurent en rêvant gonflés de poils doux
près de la peau de renne jetée au bord du trou
 le halo d’une bougie tremble
 ils plongent l’un après l’autre dans l’œil du lac
 sous le ciel usé de froid
 la glace laiteuse luit
 l’eau noire purifie les corps brûlants
face à l’immensité
 ils cherchent un éclat
 
 

