Catherine Benhamou: en quoi consiste l’écriture théâtrale ?

Portrait de Catherine Benhamou lors de son spectacle Hors Jeu, ©Gilles Trinques
 Catherine Benhamou, comédienne et écrivaine, anime un atelier d’écriture théâtre du vendredi 27 octobre 2017 au dimanche 29 octobre 2017 pour Aleph-Écriture. L’Inventoire est allée la rencontrer afin d’en savoir plus sur les spécificités de l’écriture théâtrale et le lien qu’une comédienne a avec cette écriture.
L’Inventoire: Pouvez-vous nous dire deux mots de votre parcours professionnel, notamment comment une comédienne en vient à écrire des pièces de théâtre ?

Catherine Benhamou: Lorsqu’on joue un grand texte, comme cela m’est arrivé plusieurs fois que ce soit Molière, Shakespeare ou Peter Handke, on se substitue à l’auteur et on devient son porte-parole. Plus exactement comme le disait mon professeur au Conservatoire d’Art Dramatique, Claude Régy, on tente de se mettre dans l’état de l’écrivain quand il a écrit ce texte. En fait lorsqu’on joue un texte on entre dans l’écriture et on l’écrit une deuxième fois. C’est ce travail-là qui m’a toujours passionnée en tant que comédienne parce que l’écriture m’a toujours attirée et pour moi le seul vrai créateur au théâtre c’est l’auteur. C’est pourquoi maintenant beaucoup de metteurs en scène écrivent leurs spectacles, beaucoup d’écritures collectives s’inventent à même le plateau.

D’autre part, même si ce n’est pas cela qui m’a menée à l’écriture, j’ai pu m’y consacrer grâce au statut d’intermittente du spectacle. Je ne suis pas obligée à la fin d’un contrat de chercher un autre job comme le font les acteurs dans tous les autres pays. Le fait de rester plusieurs mois avant un prochain contrat et de pouvoir pendant ce temps se consacrer uniquement à l’écriture par exemple, est un grand privilège.

Qu’est-ce que votre expérience de comédienne, habituée à dire les textes a apporté à votre écriture ?

Catherine Benhamou: La connaissance de la dramaturgie, de l’espace scénique, de l’ici et maintenant du théâtre.

Une pièce de théâtre est un texte à trous, l’écriture doit laisser la place du jeu, de l’interprétation, des interprétations, donc son sens ne doit pas être donné d’emblée, il doit être multiple et laisser aussi le spectateur faire son chemin. Le prendre par la main sans lui expliquer ce qu’il doit comprendre.

Je crois que pour sentir cela, l’expérience du plateau est précieuse.

Écrire pour être entendu, est-ce que cela implique une langue plus orale, plus parlée ? Quelles sont les particularités de l’écriture théâtrale ?

 Catherine Benhamou: Je ne pense pas qu’il faille rechercher une langue parlée quand on écrit pour le théâtre. On peut parler n’importe quelle langue, même du Racine qui est le contraire d’une langue parlée. Et à contrario, même lorsqu’il aborde une langue très quotidienne, l’acteur doit faire ressortir son rythme, sa poésie, son souffle. Quand on dit langue parlée il s’agit souvent de la langue qu’on entend à la télé ou dans les films. Mais écrire comme on parle dans la vie ce n’est pas si facile. Si vous observez la façon dont les gens s’expriment, souvent ce n’est pas du tout naturel, il y a des répétitions, des tics de langage, des silences, des logorrhées etc. c’est toute une partition musicale. Chacun possède son propre rythme et débit. C’est tout cela qu’il faut rechercher, parce qu’au théâtre c’est la langue qui définit le personnage.

Le dialogue écrit pour le théâtre, est-il différent de celui d’un roman ?

Catherine Benhamou: Oui, c’est très différent, même si maintenant de nombreux romans vont vers l’oralité. D’ailleurs, il est fréquent de voir ces romans adaptés pour la scène. Mais le dialogue dans un roman est porté par la narration, il est encadré par elle. Le dialogue au théâtre doit tenir debout tout seul. Il n’a comme soutien que la dramaturgie.

Comment en êtes-vous venue à animer des ateliers sur l’écriture théâtrale pour Aleph-Écriture ?

Catherine Benhamou: C’est par l’intermédiaire de Sylvie Chenus que je suis arrivée à Aleph-Écriture. Nous nous sommes rencontrées au Comité de lecture des Écrivains associés du Théâtre (EAT), dont je suis maintenant présidente et elle savait que je menais déjà des ateliers d’écriture. Comme moi, Sylvie est aussi comédienne même si elle se consacre de plus en plus à l’écriture.

Dans un atelier d’écriture traditionnel, la lecture à haute voix des textes produits est importante pour les participants. Dans le cadre d’un atelier sur l’écriture théâtrale, quelle place occupe-t-elle ?

Catherine Benhamou: Elle occupe dans nos ateliers une place très importante puisque nous testons les scènes écrites en les faisant lire/jouer par les autres participants.  Faire passer les textes par l’épreuve du plateau permet de se rendre très vite compte de ce qui fonctionne ou pas. Chacun est donc le spectateur de son texte et le lecteur/acteur des textes des autres.

Catherine Benhamou: Qui sont les participants au stage Écriture théâtrale – Initiation ? Ces personnes ont-elles un lien avec le théâtre ?

Pas forcément des personnes qui ont un lien avec le théâtre, puisqu’il s’agit justement d’une initiation, mais un lien avec l’écriture. Il s’agira de toucher du doigt la spécificité de l’écriture théâtrale, pour cela il faudra passer par le plateau.

ANA ou la jeune fille intelligente que vous avez publié aux Éditions des femmes-Antoinette Fouque fait partie de la sélection finale du Grand Prix de l’écriture Dramatique qui sera annoncé le 9 octobre. Quelle est l’incidence d’un prix sur une pièce de théâtre ? Est-elle plus jouée, plus lue ?

Catherine Benhamou: De nombreuses pièces sont écrites et il existe beaucoup d’auteurs mais ils ont peu de visibilité. Peu de personnes lisent les pièces, et très peu d’aides sont accordées pour le théâtre contemporain. Le Grand Prix de Littérature Dramatique attribué par Artcena et le ministère de la culture est très prestigieux et je suis très honorée de figurer parmi les finalistes. Je pense qu’en effet cela va aider à faire connaître ce texte. J’espère que les metteurs en scène pourront plus facilement monter des productions sur mes  textes.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite écrire pour le théâtre ?

Catherine Benhamou: Lire des pièces de théâtre et aller au théâtre – cela me paraît indispensable pour aborder l’écriture théâtrale !

 

Entretien réalisé par Nathalie Hegron

Le prochain atelier d’écriture Écriture théâtrale – Initiation de Catherine Benhamou aura lieu du vendredi 27 octobre 2017 au dimanche 29 octobre 2017 à Paris  : en savoir +

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