Il est bien rare que l’on parle « littérature » au cinéma. C’est pourquoi il faut voir et déguster « Citoyen d’honneur » (« El ciudadano illustre ») de Mariano Cohn et Gaston Duprat.
Un écrivain reçoit le prix Nobel. Les nombreuses obligations qui s’en suivent lui ôtent toute inspiration. Quelques années plus tard, il se résout à répondre à la sollicitation répétée d’un ami d’enfance, qui l’invite à recevoir le titre de « citoyen d’honneur » de son tout petit village d’origine au fin fond de l’Argentine. Le film met le doigt sur la difficulté, voire l’impossibilité, pour l’écrivain de renouer le contact avec la société rurale de ses origines qui a inspiré ses romans. Le passé est enfui à jamais.
Se pose la question du langage : instrument de domination pour les uns, de questionnement pour l’écrivain, ils ne parlent plus la même langue. On comprend que l’écriture, qui exige une perception fine sans concession, une capacité d’analyse et d’intuition, une mise à distance radicale, impose un prix lourd à payer (ici la rupture avec le milieu d’origine). C’est aussi un film sur la bêtise, celle des proches, devant laquelle on est désarmé. Remarquablement joué, il prend la forme d’un thriller cocasse, ce qui ne gâche rien. Je vais, bien sûr, le revoir une seconde fois.