4Jusqu’au 13 mai, Hélène Massip vous propose d’écrire à partir du dernier livre de Emmanuelle Pagano « Nouons-nous » (P.O.L., 2013). Vous pouvez nous envoyer vos textes à atelierouvert@inventoire.com. Une sélection sera publiée deux semaines plus tard. 

Par Hélène MASSIP

Extrait

« Au réveil, j’entends des petites bêtes marcher sur un morceau de tissu invisible, tendu tout près de mon oreille, tendu entre lui et moi. Entre lui et moi, juste la place d’un tissu tendu comme du papier. J’ouvre les yeux, il fait presque jour, il gratte sa barbe naissante. Les bruits minuscules s’arrêtent lorsqu’il me sourit. Sa main quitte sa joue pour venir sur la mienne. »

« Elle penche à droite dès qu’elle se tient debout sans marcher. Elle n’a pas une jambe plus courte que l’autre, c’est une posture qu’elle a naturellement prise pour soulager une sciatique légère mais têtue. Elle laisse tomber tout le poids de son corps du côté droit, et le gauche tout seul se relève, comme si ses hanches étaient une balance à l’ancienne, un trébuchet. Je la regarde s’approcher de l’évier pour faire la vaisselle, elle me parle, elle ne se rend compte de rien, elle mouille l’éponge de liquide vaisselle, puis elle se met au travail : elle bascule. Je m’approche d’elle, dans son dos, je la prends dans mes bras, et son corps se remet dans l’axe, appuyé contre le mien. »

« Nous sommes partis pour un petit week-end à deux, nous nous connaissions à peine, et déjà il me demandait de signer en bas des cartes postales qu’il écrivait à ses proches, ses amis, à sa vieille maman chérie. »

« Depuis la naissance de notre fils, une ligne de poils remonte de son pubis jusqu’au nombril, nette et noire, comme un point d’exclamation à l’envers. Je m’allonge contre elle tête-bêche, pour lire ce bravo, remettre cet appel à l’endroit. »

Suggestion

Dans Nouons-nous, (P.O.L, 2013), Emmanuelle Pagano a recours à une forme fragmentée pour dire la relation amoureuse, avec finesse et sensibilité. Des sensations, des faits minuscules, des instants, pris dans le quotidien, à l’improviste d’une émotion, d’une rougeur, d’une griffure. Empreintes, parfums, tâches ménagères, petits incidents, tics, maniaqueries. Un regard à la loupe.

Différents couples apparaissent au fils du livre. Des personnages disent des moments de leur vie à deux. L’écriture est concrète, prosaïque, elle capte les détails d’un élan, d’une rupture, dit le regard de l’un sur l’autre, la présence physique, sensuelle, charnelle de l’autre.

La longueur des fragments varie, allant d’une ligne à quatre pages.

Ce jeu de voix permet de dire la relation amoureuse dans son intrication, ses points d’attache, ses gauchissements, ses ajustements, ses dérives, sa tendresse quotidienne, le corps, la présence, l’absence.

Je vous propose d’utiliser un procédé identique pour dire d’autres types de relations duelles, inscrites dans la durée. Des relations de deux personnes qui sont ensemble, pour une activité commune, imposée ou choisie, et qui au fil du temps développent une forme d’intimité, se dévoilent l’une à l’autre, s’agacent, se stimulent, se plaisent ou se déplaisent.

Imaginez votre duo, puis écrivez plusieurs fragments. Vous alternez les narrateurs :

« elle » parle du personnage masculin, « il » parle du personnage féminin. Ces fragments nous ferons entendre des détails des interactions du duo, dans les circonstances auxquelles vous venez de réfléchir.

Envoyez-nous quelques fragments (1500 signes au maximum).

urlLecture


Née dans l’Aveyron en 1969, Emmanuelle Pagano, qui a été enseignante en arts plastiques, vit et travaille sur le plateau ardéchois.

Elle est publiée chez P.O.L. depuis 2005, année où elle a été révélée avec Le Tiroir à cheveux.

Paraissent ensuite deux autres romans : Les Adolescents troglodytes (2007) et Les Mains gamines (2008).

Puis elle publie une œuvre, présentée comme autofictive, qui met en scène une relation épistolaire entre deux écrivains : L’Absence d’oiseaux d’eau (2010).

En 2012, elle publie Un renard à mains nues, un recueil de nouvelles.

En 2013 paraît Nouons-nous, recueil de fragments sur le quotidien de la relation amoureuse.

Le premier tome d’une « Trilogie des rives », Lignes et fils, est sorti en février 2015.

Son écriture concrète, précise, lucide et sensuelle, sait, tout en allant droit au but, creuser les espaces de silence et d’incertitude où vacillent la parole et son absence, entre corps et matière, temps et traces, affects et paysages.

 H.M.

Hélène Massip anime pour Aleph-Écriture le stage Proses poétiques à Lyon les 15 et 16 juillet prochains. Découvrez son atelierhttp://www.aleph-ecriture.fr/Initiez-vous-aux-proses-poetiques

 

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