Vos textes à partir de « L’enfant qui » de Jeanne Benameur

Il y a 15 jours, Emmanuelle Pavon Dufaure vous proposait d’écrire à partir du livre de Jeanne Benameur « L’Enfant qui » (Actes Sud, 2017). Nous vous remercions de votre participation. Découvrez dès maintenant les 12 textes que nous avons sélectionné!

 

Monique Garguilo

Sur le tapis

Tu te fabriques des familles. Avec tout ce qui te tombe sous la main. Des billes. Des animaux de la ferme. Des pots à épice dérobés à l’office. Je crois que je t’ai toujours vu jouer de la sorte. Les gros boulets d’agate sont les parents et les petites billes en terre font leurs enfants. Tu parles seul à voix très basse et dans le silence de la sieste, ce murmure m’atteint de plein fouet. J’écarquille les yeux. Sur le tapis, les figurines forment des groupes qui se font et se défont sans cesse. Les poussins suivent papa coq et maman poule, les  veaux abandonnés pleurent loin de leur mère, le petit pot de cannelle saute dans le grand pot de thym et c’est ainsi du soir au matin. Dans la nuit de ton histoire. Dans le temps absolu qui te sert de repaire. De re-père. Si je te questionne pour en savoir plus, ton visage se ferme, ton regard s’embrume. Ta main se crispe sur une petite bille bleutée que tu rangeras soigneusement dans une boîte à chaussures vide lorsque j’aurai quitté la chambre.

J’accepte de te perdre pour que tu reprennes le fil des histoires. Parce qu’un jour, je sais que j’entendrai à nouveau la litanie des prénoms que tu égrènes comme on recueille les perles d’un collier brisé. Et que nous deviendrons enfin frères de sang et de miel.

M.G.

Cécile Quiniou

Seule

 

Tu restais seule quelquefois. Tu aimais ces instants vides. A condition qu’il ne fasse pas nuit. Je n’aime pas plus aujourd’hui le moment où le jour s’efface.

Assise face au poêle à charbon, tu observais la feuille de mica transparente. Cette fenêtre sur les flammes des jours d’hiver. Elle était précieuse. Le feu éteint, tu la tâtais de tes petits doigts. Elle craquait. Tu as trouvé un tournevis. Lorsque sa pointe a transpercé la matière, le bruit autant que la sensation t’ont envoûtée. Ça crevait la feuille sans la déchirer dans un « croustillement » jubilatoire. Plus rien n’existait. Bientôt, la feuille non plus. Tu t’es arrêtée, considérant l’irréparable. Les colères de ton père sont redoutables. Alors, tu t’es réfugiée dans le couloir sombre. Celui où l’on te punissait. Tu as levé la tête vers ton ami Émile, le compteur électrique. Une petite veilleuse l’éclairait, rassurante, réchauffante. Il te regardait, comme toujours. En lui racontant tes malheurs, tu fixais son disque en mouvement. Lorsque tu as fini, de nouveaux chiffres s’affichaient à l’endroit de ses yeux, signe qu’il te comprenait. Un jour ta mère t’a surprise en plein dialogue. Elle a regardé le compteur d’un air éberlué. Je lui connais encore ce regard qui ne comprend pas.

Aujourd’hui, là où tu vis, il est au fond d’un placard et ne sourit pas.Il garde les yeux fermés sur ses nombres. Indifférent. Moi je sais qu’en secret, parfois tu lui parles. C’est la solitude de l’enfant incompris qui survit en nous.

C.Q.

Inès Dalery

Insoumission

Le verdict a claqué, sans appel. Tu ne sortiras pas de table tant que tu n’auras pas fini. Finir quoi ? Cette pâtée brune, épaisse, collante, au goût indéfinissable, addition de tous les restes du midi, baptisée soupe ? Tu la contemples le cœur au bord des lèvres, tu penses à ce qui sort de ton ventre. Tailler dans cette masse répugnante, la martyriser, la soumettre à ta colère. Tu considères la cuillère, t’en saisis, tu as trouvé ton outil ; à ta demande, elle sera pelle, faux, couteau. Tu es la princesse prisonnière dans le fouillis hostile de la forêt maléfique, celle qui ne s’avoue jamais vaincue, qui sortira du labyrinthe, dans un pied de nez moqueur à la marâtre. L’heure est grave ! Lèvres fermées, tu fixes l’obstacle, trois plis entre tes sourcils, signe de concentration extrême que je reconnais, attendrie. Au travail ! Tu creuses, fores, déblaies, aplanis, le chemin prend forme, tu redoubles d’ardeur, un talus par ci, un virage par là, tu reviens sur tes pas, tu tailles, débroussailles, élagues, sculptes des voies sans issue où s’égarera l’adversaire, tu repars à l’assaut, d’ailleurs les oiseaux t’encouragent, ils chantent pour toi, comme ton ami le coucou qui a jailli opportunément de l’horloge. Je te souris, tu m’as transmis ta révolte, ton refus de te soumettre, ta combativité. Tu approches du but, sauvée… par le chien de la maison, Attila le bien nommé, qui en trois lapées fait le vide et t’offre une assiette parfaitement lisse et propre.

Nelly Edouard

Musique intérieure

 

À peine deux ans, assis sur la petite couverture crochetée par des mains aimantes, tu regardes de ton air buté cette avalanche de cubes écroulés à tes pieds.

La poitrine gonflée de sanglots retenus, tes yeux se sont couverts d’un voile brillant. Tu les as levés au ciel, tes lèvres pulpeuses se sont agitées d’un mouvement incessant tel une prière, puis comme un baume sur ta souffrance, tu l’as entendue pour la première fois.  La voix, Ta voix.

C’était comme une mélodie dans ta tête… Garde ton calme t’a-t-elle dit, ramasse les morceaux de ton château brisé pour à nouveau les élever jusqu’aux cieux. Alors ton visage s’est éclairé et tes joues se sont creusées de deux jolies fossettes. Tes mains malhabiles ont posé un premier cube, puis un deuxième, un troisième, un quatrième… À plat ventre, à quatre pattes puis à genoux, ta frimousse au plus près de la construction, tu louches, ton nez effleure  le dernier cube que tu viens, tout heureux, de placer en équilibre au sommet de la tour et c’est la catastrophe !

Tu t’empourpres, sourcils froncés,  menton tremblant, tu luttes contre la colère qui monte et menace d’exploser mais sans attendre, la voix chaude et réconfortante t’envahis. Elle seule sait te calmer, te consoler, te rassurer, te murmurer la patience. Alors apaisé, tu recommences encore et encore en rêvant au château qui bientôt atteindra les nuages. Là-haut,  elle sera là, la voix qui te suivra et me guide pas à pas. Celle qui nous répète sans se lasser, ne perdez pas confiance vous y arriverez, celle qui ne nous lâche pas, notre âme, notre conscience, notre amie.

Je regarde ce gamin qui persévère, empile cube après cube, érige cet édifice instable et recommence malgré les chutes répétées. J’entends la voix, que seul l’enfant que j’étais pouvait entendre, me souffler la patience, la ténacité, l’envie de continuer.

Alors je lève les yeux au ciel et je devine, entre deux nuages, la silhouette de l’enfant grandissant devenu cet homme qui jouit de l’assurance de l’adulte que je suis devenu.

N.E.

 

Isabelle Vilain

Deuil

 

Tu étais apparu un soir de juin Je me suis aperçu que  tu ne te déplaçais jamais sans une étrange petite boîte. Tu m’as expliqué qu’elle avait été fabriquée à ta demande par Antoine un vieil oncle de ton père que tu adorais. C’était une boîte rectangulaire percée de trois trous sur l’une de ses faces. Tu la transportais partout, et parfois on te voyait lui parler. Tu la déposais sur ton banc à l’école à côté de l’encrier et elle faisait la séparation entre toi et ton camarade, tu l’emmenais au sport où elle t’attendait entre tes deux chaussures, elle t’accompagnait pendant tous tes repas posée sur la table devant ton couvert. Elle ne te quittait pas. Je te voyais parfois assis dans l’herbe au fond du jardin, adossé au bouleau immobile. Tes lèvres remuaient, tu semblais méditer les yeux fixés sur cette étonnante compagne. Tu lui confiais tes rêves, je le sais.

Tu étais un curieux petit bonhomme joyeux et questionneur. J’ai tout appris de toi. Tu étais mon modèle. Je voulais être comme toi. Je te jalousais peut-être.

Mais la boîte s’ouvrit et les rêves s’envolèrent. Ils peuplaient ton espace au début, puis ils s’éparpillèrent et tu fus seul. Tu es parti loin de moi. Tu t’es enfoncé dans les lointains brouillés. Je t’ai vu tomber et disparaître. Il ne restait que moi et le désert.

I.V.

Les souvenirs se sont faits rares, depuis le jour de vos départs et s’il y a parfois l’appel d’un souvenir qui se réveille dans une mémoire inconsciente, c’est que la vie redevient lente tout doucement…[i]

1[i] Julos Beaucarne

 

Val Kha

Bernard l’ermite

Tu marches sur tes petites jambes de sept ans, tes pieds s’enlisant doucement dans le sable et la flaque d’eau que laisse chacun de tes pas laisse souvent apparaître un trésor. Long couteau à la croûte calcaire, coques scintillantes de nacres…comme tu les aimes ces coquillages. Pour toi autant de joyaux que tu rangeras soigneusement ce soir dans  le joli coffret de bois tapissé de velours rouge que maman t’a donné une fois mangés tous les chocolats de Noël qu’il contenait.

Je sais bien que tu as oublié le temps qui passe, absorbée que tu es par ta cueillette.

Tu t’accroupis un long moment devant un trou d’eau cerné de rochers. Tu ramasses quelques moules noires de jais irisées de bleu et te rêves princesse caressant ses perles dans le donjon où elle est séquestrée, quand tout à coup ton regard tombe sur un drôle d’escargot. C’est un bernard-l’ermite, papa te l’a dit l’autre jour en regardant les planches du Larousse illustré.

« Quel drôle de nom… » as-tu pensé, et maintenant tu attends patiemment qu’il veuille bien se montrer. Ça y est, il est là, chevalier noir dardant son épée contre l’ennemi…

Je voudrais crier qu’il faut te lever, courir retrouver les parents sur la plage, mais un sanglot dans ma gorge m’en empêche. Le prédateur est déjà là, te questionnant d’une voix enjôleuse, une main déjà trop proche de ta cuisse.

Ton prince Bernard est retourné dans son refuge, t’abandonnant à ton funeste sort.

V.K.

Virginie B.

 

Tu es en ton lieu. Espace que tu veux protéger. Ce lieu, c’est aussi du temps. Des dimanches où le silence semble pris de court. Tu suis ce calme sur ton lit, sur le tapis du salon, devant une fenêtre. Je ressens encore cette solitude ; à cet instant tu peux la vivre en ton corps. Rien ne t’inonde. C’est ton temps pour dire des histoires. Tu sors un petit enregistreur à cassettes. Je sais combien tu aimes cet objet, ses touches abîmées, le son de la bobine qui file. Le point rouge donnera le départ. Tu as en tête toutes tes histoires sur elle. Elle est sur ton lit, où quelque part dans le silence de la maison. Vieille chatte qui dort. Je la reconnais à ses yeux louchant, une rescapée des gouttières. Elle est ton Tout. Ton sujet et ta Reine.

Tu es une enfant qui parle seule. Une enfant qui ne veux pas lire mais aime faire la lecture. Tu parles pour elle, mets en voie ses pensées. Amie féline, pour nous la vacillante. Une alliée face à ceux qui romprons le silence. Celle qui recueille larmes, folies, douceurs et attention. Elle me manque pour Nous.

Je sais en cet instant que tu es une enfant gaie. Cette joie originelle qui nous lie me rassure, nous sauve. Juste t’observer de dos sur ce lit, elle à tes côtés. Solitude partagée. Je peux t’entendre. Je m’assoie sur le rebord de ton lit, une main sur ce dos ronronnant qui m’a tant bercé. J’écoute. Tu fais une pause et je prends le relais de l’histoire qui s’invente.

V.B.

 

Viviane Clément

À cheval

 

Tu galopes dans la luzerne. Tu montes à cru. Seules tes jambes guident ton cheval. Il fend l’herbe. On dirait des vagues. Tu te penches pour murmurer à son oreille : Avance, mon Beau, avance. Tes mains relâchent les rênes, ton buste penche en avant. Je sens ton cœur qui bondit dans ta poitrine. Il n’y a pas de cheval. Il n’y a que toi qui cours. Tes cheveux dansent dans ton dos. Seule une mèche rebelle effleure ta joue. Le champ est en pente et la vitesse nous emporte et nous grise. De folles images envahissent ta tête. Des sensations inconnues traversent ton corps et je ressens ton énergie : ta joie de vivre et d’être seule au millieu de ce paysage sauvage que nous aimerons toute notre vie. Tu sais que je reviendrai toujours ici, dans ce coin d’herbes folles et tu me vois assise sur le fossé  guettant en haut du champ la silhouette  d’une petite fille brune. En bas, tout en bas, le ciel bleu va nous rejoindre. Ivre et joyeuse tu dévales et tu roules dans l’herbe tendre, bras étendus, yeux grands ouverts. Tout est fini.

Il n’y a plus qu’à recommencer.

V.C.

Sophie Sturbois

Le petit ours jaune

 

Sitôt la porte franchie, te voilà lancée. Tes pieds semblent voler. Tu trimballes Nounours. Il rase presque le sol. Son petit corps en vichy jaune s’agite au rythme de ta progression. J’admire ton allure décidée mais je ne sais où tes pas te portent. Sur le bas-côté, des ronces te tendent leurs bras croulant sous les mûres. Tu coinces Nounours dans ta ceinture et tires de ta poche un mouchoir. Tu y enveloppes les petits diamants noirs.

Tu continues ton chemin. Une mèche de cheveux  colle à ton front. Tu l’écartes. Tu aperçois un arbre dans un champ émaillé de coquelicots et de marguerites. Tu installes ton ours entre deux racines. Ton mouchoir est devenu d’un violet presque noir. Les baies se désolidarisent et s’écrasent.  Tes doigts sont tâchés d’un jus sombre comme s’ils avaient plongé dans un encrier. Tes pieds ne te porteront pas plus loin. A la maison, c’est l’heure des histoires et du baiser. Une angoisse diffuse s’empare de toi. Tu t’allonges en serrant ton petit compagnon dans la main.

Tu cries. Ta main s’est refermée sur le vide. Mon ombre se penche sur toi.  Tu murmures : « Maman ? » Non, c’est moi qui plonge dans mes rêves d’enfant. Alors nos regards, celui de la petite fille que j’étais et celui de la femme que je suis devenue, se tournent vers le fauteuil où trône un petit ours jaune.

S.S.

 

Marie Remande

Luciole électrique

 

Tu détestes aller te coucher tôt lorsque tes parents l’ont décidé pour toi. Tu aimes rester écouter les adultes discuter. Surtout lorsque des amis sont invités. Tu aimerais être invisible, qu’ils t’oublient.

Ils ne t’oublient pas. Et tu dois monter dans ta chambre. « D’accord pour 10 minutes de lecture, mais après tu éteins ! » En bas, dans la chaleur d’échanges infinis, certains fument, d’autres boivent un café. Là haut, dans ton lit, il fait noir. Tu as toujours eu peur de t’endormir et de ne jamais te réveiller.

Je te regarde avec tendresse te blottir sous ta couverture. J’ai envie de te prendre dans mes bras.

Tu prends ton livre sur la table de nuit. Dépasser les premières pages. Continuer. T’évader de cette chambre sombre, reprendre l’aventure pour partir. Faire palpiter ta vie.

Les dix minutes sont largement dépassées. Tu éteins la lampe de chevet trop voyante et tu la retrouves, cachée dans un tiroir, ta petite lampe de poche miracle, ta bougie, ta luciole, ta complice d’aventures nocturnes. Tu continues à lire. Au ventre, l’inquiétude d’être prise.

Tu entends des pas dans l’escalier. Vite éteindre la lampe. Faire semblant de dormir.

Les pas redescendent. Sauvée, tu peux rallumer ta lampe complice. Tu replonges. L’aventure reprend.

Tu finiras par te rendre et t’endormir, épuisée, tard dans la nuit.

Je te regarde dormir, enfin abandonnée sous ta couverture. J’éteins ta lampe de poche, restée allumée et me glisse sous le drap chaud pour te rejoindre. Tu n’es plus seule.

M.R.

Hélène Mazier

Les sillons

 

Toi l’enfant qui trace des sillons à l’aide de ta fourchette dans ta purée de brocolis, je me souviens de toi. Seule compte la régularité de ces petites lignes et des bourrelets verts et grumeleux que tu formes, les sourcils froncés et les lèvres serrées. Un parfum de soupe et de friture se dégage de la cuisinière mais tes narines ne respirent que l’air de la terre fraîchement labourée. Tu as devant toi un terrain tout entier à semer. Quelles graines planteras-tu ? Tu relèves la tête, l’air interrogateur face à Madame Sel et Monsieur Poivre, droits comme deux « i » devant ton assiette. Des tournesols ! Tu empoignes Madame Sel pour la secouer énergiquement la tête à l’envers au-dessus de ton champ.

Dans la pièce à côté les portes claquent et les voix s’élèvent mais tes oreilles ne perçoivent que le bruit du vent dans les tournesols. Tu aimes leur teinte jaune orangée et la course qu’ils livrent avec le soleil à s’en démettre les cervicales. Ils ont poussé et te dépassent désormais. Tu te caches dans leur feuillage en ignorant la boue qui forme une deuxième semelle sous tes chaussures. En ignorant le tremblement dans la voix de ta mère qui te répète de finir ton assiette et les larmes qui sèchent sur ses joues.

Cela fait longtemps que je ne me suis pas promenée dans les champs de tournesols… Mais ce soir, devant la purée de céleri savamment dressée autour de la cannette rôtie au miel et aux épices je te revois et je sais.

Je sais le rêve qui protège et aide à grandir. Malgré tout.

H.M.

 

Sophie Mokhtari

« Mercredi »

Le mercredi, jour des enfants, tu devins pour la première fois une femme amoureuse. Tu avais huit ou neuf ans. L’homme inconnu portait un imperméable vert. Il marchait toujours dans la même direction et souvent sur le même trottoir.

Je suis ton regard. L’homme apparaît enfin et passe devant toi, un peu avant midi. Postée à la fenêtre, ton coeur bat plus fort. Le souffle coupé, un désir t’appelle. Sans que tu n’aies besoin d’une montre pour savoir que son arrivée est proche, tu es là et tu le guettes. Chacune de ses apparitions absorbe tout ce qui t’est familier : ta mère qui cuisine, tes trois sœurs, le carrelage et la table de formica. Tout s’efface. C’est si simple. Je te regarde t’absenter. La rue est grise. La fenêtre est fermée. Les rideaux t’entourent de leur présence diffuse. Personne ne remarque ton départ silencieux. Tu n’éprouves pas le besoin de justifier l’amour que tu ressens avec des mots convenus. Tu aimes et ce secret te suffit. Lui, regard baissé vers le sol, semble parfaitement détaché. Vous n’avez rien à vous dire.

Les deux pans du rideau blanc encadrent ton visage. Je te vois plus âgée et parée d’une longue chevelure. Tes doigts effleurent la toile ajourée. Tu deviendrais belle, enfin, d’un corps qui ferait signe.  L’homme est passé. Je le suis avec toi, aussi loin que possible.

J’aimerais prendre ta main, mais tu es déjà redevenue.

S.M.

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