Écrire à partir de « Porca Miseria » de Tonino Benacquista

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Cette semaine, Isabelle Delaby vous propose d’écrire à partir de « Porca Miseria » de Tonino Benacquista (Gallimard, janvier 2022), un court texte qui évoque un des passeurs qui ont croisé votre route.

« Ma culture à moi, je la puise où je peux, et pas à l’école, où les objets d’étude sont des objets de tourments, jamais de plaisir. » (p.38)

Présentation de l’auteur

Tonino Benacquista est un autodidacte, un spécimen d’anti-lecteur ! Dans un entretien pour En attendant Nadeau, il dit : « La lecture a été pour moi une conquête, un travail parfois pénible. (…) Le besoin d’écrire n’est pas né de mon goût pour la littérature mais du besoin de raconter mes rêveries et élucubrations. J’ai écrit avant d’avoir lu. »

Benacquista s’est fait connaître du grand public avec « La Commedia des ratés » (« Série noire » de Gallimard, 1991), « Saga » (1997), « Malavita » (2004) et « Toutes les histoires d’amour ont été racontées, sauf une » (2020). Il est aussi scénariste et a collaboré avec Nicole Garcia pour « Place Vendôme » (1998), Claude Berri pour « La Débandade » (1999), et coécrit avec Jacques Audiard les scénarii de « Sur mes lèvres » (2001) et « De battre mon cœur s’est arrêté » (2004).

Présentation du livre

« Porca miseria », paru chez Gallimard en janvier 2022, est un roman autobiographique dont chaque chapitre est écrit comme une courte nouvelle à chute, qu’on peut lire de manière autonome. Le titre fait référence à un juron que son père éructe à tout bout de champ, le mot « misère » étant à prendre au sens large de la misère humaine, de la fatalité, dans ce monde de déshérités et de déracinés venus d’Italie pour s’installer à Vitry-sur-Seine.

Avec fantaisie et gravité, Benacquista livre le récit de son enfance et du jeune homme sauvé par les mots, après une scolarité éprouvante à se confronter à des programmes qui renvoient l’élève à son statut d’ignorant, la douleur aussi de se sentir transfuge de classe. « Écrire, c’est se venger, des injustices, des premiers ratages, des frustrations. En un mot : du réel. C’est aussi se venger de l’inertie de la vie quand celle-ci ne va pas assez vite. Mais écrire, c’est aussi réparer et consoler. », se donner l’autorisation de devenir un autre et « faire le tri entre une italianité innée et une francité acquise ».

Benacquista livre un roman de deuil et de réconciliation, une déclaration d’amour à la puissance de l’écriture, une réflexion sur la transmission et la quête des origines.

Proposition d’écriture

Parmi tous les thèmes de ce livre foisonnant, notre proposition d’écriture s’intéresse à celui de la transmission. Chez Tonino Benacquista, elle est d’abord l’objet d’un manque :

« Je ne l’entends pas m’encourager à faire mes premiers pas ni à tenir en équilibre sur un vélo. Il ne m’apprend ni à me raser ni à planter un clou. […] Je me serais contenté d’un peu de sens commun, d’un poncif, d’un dicton populaire. Même un proverbe napolitain aurait fait l’affaire. »

Ou encore : « Je ne partage avec eux ni chanson populaire, ni vers célèbres, et même si les noms de Michel-Ange ou de Giuseppe Verdi ne leur sont pas inconnus, ils seraient bien en peine de me citer une de leurs œuvres. »

Et de conclure le chapitre sur la culture familiale, La Strada et Les Ritals, par ces mots : « Aujourd’hui encore, sur l’idée de culture, j’envie ceux qui savent séparer le bon grain de l’ivraie. J’en suis toujours incapable. »

Un homme cependant va faire la différence, un « passeur », dans le sens de celui qui transmet, qui aide à penser et à sentir, qui ouvre des possibles.

« C’est un surveillant, il s’appelle Jean-Bernard. Il me sait préoccupé d’écriture. Je ne me doute pas qu’il l’est aussi. Un jour, il sort de sa besace le manuscrit de son roman pour me le confier. ‘C’est un polar’, dit-il. […] Le geste est généreux. Celui dont j’ai exactement besoin. Une digue vient de céder. […] C’est un roman populaire, écrit dans une langue fluide, celle du plus grand nombre. C’est un roman qui me ressemble. Il me parle et parle de moi. […] À sa façon, c’est ce que Jean-Bernard vient de faire pour moi : sortir la littérature de son vase vénitien et la flanquer dans le ruisseau. »

Et pour vous, quelqu’un a-t-il séparé le bon grain de l’ivraie ?

À votre tour, je vous invite à identifier et retrouver un passeur qui a croisé votre route et ouvert des voies nouvelles.

Ce peut être, comme pour Tonino Benacquista dans le domaine de l’écriture, quelqu’un qui a débloqué votre plume. Mais il peut tout autant s’agir d’une personne qui, au fil des rencontres, vous a fait découvrir un auteur, transmis un savoir-faire dans un autre registre, manuel par exemple, un(e) ami(e) qui vous a initié(e) à certaines musiques, à la course, la plongée, etc.

Listez quelques figures dans un paysage assez large, familial, scolaire, professionnel puis choisissez l’une de ces figures. Faîtes vivre la rencontre avec elle, ou un moment décisif de transmission.

Décrivez l’époque, le cadre, l’atmosphère, quelques traits de cette personne, les corps, les gestes, les mots prononcés, les sensations.

Tentez de retrouver le retentissement émotionnel de l’instant, en restant dans la scène elle-même.

C’est ce texte que vous enverrez via Teams sur l’espace de la revue L’Inventoire.

I.D.

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