« Fanfares », Yann Kerbart

Fanfares

Il était un chemin tortueux que je descendais la nuit, à tâtons, trébuchant tantôt, plongeant ailleurs dans de sombres caveaux gorgés d’étranges bêtes au teint cendré et au regard d’azur.

Des gouffres sans fond de l’inframonde semblaient avoir surgi pêle-mêle : la sourde colère, l’inquiétante étrangeté, l’implacable effroi, la mort coiffée d’une couronne tressée de pavots, aux fleurs immaculées des Tatras. J’apprendrai plus tard à contempler ces monstres ; à leur tirer la langue, ainsi que mon chapeau. Mais à cette heure, je demeurais interdit quand sonnaient les premières notes des nocturnes asymétriques de ces fanfares d’ombres polymorphes.

C’est à la lisière de ce vacarme, que m’attendait ma mère fredonnant de tendres onomatopées et les noms des petits mammifères.

Je fuyais alors dans le calme suspendu des espaces immortels pour enfin goûter, tout au bout du voyage, aux extravagantes métamorphoses.

J’étais tour à tour empereur, mendiant, danseur, guerrier et toujours, brandissant le glaive, distillant aux barbares la sagesse des sciences, je trouvais le salut – une formule magique – fardé d’ensorcelantes prémonitions.

Derrière et devant moi, l’autre. je – et lui seul – succombais au vertige.